THÉÂTRE: Alternances mortelles

« Blind Date », d’après le film de Theo van Gogh, est d’une grande puissance sur la scène – un bel hommage au provocateur notoire assassiné il y a dix ans.

Ils dansent sur un volcan : Sacha Ley, Jules Werner et Sébastien Schmit.

Theo van Gogh n’était certainement pas un homme de compromis. Dire que le réalisateur et journaliste aimait la polémique est un doux euphémisme : il incarnait à lui seul la polémique et provoquait avec un naturel que beaucoup peut-être lui envièrent et que d’autres ne pouvaient supporter. Comme l’islamiste radical Mohammed Bouyeri qui, le 2 novembre 2004, le troue de balles avant de l’égorger dans une rue d’Amsterdam. Certes, on peut se demander si traiter les musulmans d’« enculeurs de chèvres » ou fantasmer sur les pratiques sexuelles de l’écrivain juif Leon de Winter étaient vraiment les meilleures façons de faire avancer les débats ; toujours est-il que l’arrière-petit-fils du frère de Vincent van Gogh a réussi à réveiller ses compatriotes du sommeil consensuel auquel ils s’adonnaient depuis des centaines d’années.

Il est seulement regrettable que l’homme sensible, l’artiste et le créateur Theo van Gogh se soit quelque peu effacé derrière la figure du provocateur. Une raison de plus pour saluer l’initiative et les risques pris par la metteuse en scène Myriam Muller et sa troupe de créer « Blind Date » pour la scène. Tourné en 1996, la version originale du film a triomphé aux Oscars néerlandais, les fameux « Veaux d’or », et un remake anglais a été réalisé en 2008.

Au centre de la pièce se trouve le vide laissé par la mort accidentelle de la fillette de Katya et de Pom. Tétanisés par cette perte et ne sachant plus comment faire avancer leur couple, ils essaient de trouver une parade en organisant de fausses « blind dates » entre eux, au cours desquelles ils endossent à chaque fois des rôles différents.

Commence alors une série de variations sur l’horreur, qui va crescendo jusqu’au dénouement final et fatal. Monté comme une pièce musicale, « Blind Date » fait défiler les essais vains de Katya et Pom pour retrouver un terrain d’entente ; jusqu’à ce qu’ils se rendent à l’évidence : leur couple est voué à la destruction. Evoluant dans un décor aussi somptueux que pratique (et qui réserve quelques surprises) les acteurs Sacha Ley, Jules Werner et Sébastien Schmit (dans le rôle du barman) savent incarner pleinement à tour de rôle les différentes facettes de ce drame humain. Seule note négative : le rythme. Surtout dans la première partie, le spectateur a l’impression que la pièce piétine un peu, ou que son évolution fait du surplace. Il faut attendre les derniers trois quarts d’heure avant que le tourbillon ne se déchaîne vraiment et qu’aussi le dessous des cartes ne soit révélé.

Tout de même, l’idée originale, les belles performances des acteurs et la perfection technique de la pièce compensent largement ce petit hic et font de « Blind Date » une pièce absolutement à voir !

Au Grand Théâtre, les 7 et 10 novembre.


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