BELGIQUE: La nuit volée

Deux semaines avant la fin de la législature, Ecolo a quitté le gouvernement belge. Pour des raisons électoralistes, les accuse-t-on. Le dossier sur lequel s’est brisé le projet arc-en-ciel pose cependant des questions fondamentales.

Survoler en pleine nuit des quartiers résidentiels, est-ce bien raisonnable? Les habitants intra-muros de Paris ne se posent même pas cette question: le survol de la capitale est tout simplement interdit à toute l’aviation – de jour comme de nuit.

A Bruxelles les choses se présentent différemment: la capitale de la Belgique est soumise au va-et-vient des avions, d’autant plus que l’aéroport de Zaventem n’est pas très éloigné du centre ville. Une urbanisation à la hâte a fait en sorte que des zones d’habitation plus ou moins denses se trouvent tout autour. Mais pourquoi les résident-e-s s’en plaigneraient-ils-elles, sachant que leur lopin de terre était meilleur marché qu’ailleurs dans la région parce que, justement, il y avait cet aéroport tout proche?

Ce qui a cependant changé ces derniers temps, c’est la fréquence des vols et notamment des vols de nuit. Lorsqu’en 1999, la ministre écolo des transports avait tout simplement interdit les vols de nuit à partir de Zaventem, elle fut vite rappelée à l’ordre par son premier ministre pour des raisons économiques: le coursier DHL, qui avait choisi Bruxelles comme plaque tournante en Europe, voulait plier bagage et s’orienter vers d’autres aéroports européens, tous à la recherche de clients prêt à contribuer au financement des infrastructures et de leur maintien coûteux.

C’est un des revers de la libéralisation en Europe: l’économique domine dorénavant le politique; aussi dans ce domaine-ci. Les coursiers, venant concurrencer les services postaux classiques, se veulent être plus rapides et moins chers. Alors que le service au client traditionnel des postes a diminué, les coursiers se font la concurrence sur les services rentables. Et la rapidité est un argument de taille, s’il s’agit de se différencier de son concurrent.

Si, autrefois, le courrier était essentiellement acheminé par les trains entre les grands centres urbains, ce sont aujourd’hui surtout les avions qui ont pris la relève. Plus efficaces, plus directs et donc plus rapides – oui, mais à quel prix?

Les associations des riverains de Zaventem avaient vivement combattu les accords que le gouvernement belge (y compris Ecolo) avait pris en janvier dernier pour „disperser“ les vols de nuit en trois directions, dont une via Bruxelles. Ils dénonçaient les grandes compagnies de coursiers, qui utilisent la faiblesse des gouvernements européens pour imposer leurs plans de vol. Le rôle du gouvernement belge aurait été, à leurs yeux, de revendiquer une interdiction des vols de nuit dans toute l’Europe et de forcer les compagnies à développer des procédures „pour un transfert modal train-routes pour desservir l’hinterland économique Paris/Amsterdam/Bruxelles/Francfort“.

Probablement par discipline gouvernementale, Ecolo avait accepté un accord, qui certes limitait les vols de nuit et forçait DHL à opter pour un type d’avion moins bruyant que les vieux Boeing, mais qui en fin de compte acceptait la dispersion des vols au-dessus de zones très peuplées. Cet accord arrange tout le monde et personne, disait-on. Etait-ce donc une solution équitable, qui disperserait aussi les nuisances à part égale?

On peut reprocher à Isabelle Durant, la ministre Ecolo, d’avoir agit trop tard, mais le reproche de l’électoralisme revient à l’ensemble de la famille politique en Belgique. L’accord de janvier arrangeait les Flamands beaucoup plus que les Bruxellois. Que Verhofstadt en fasse un casus belli deux semaines avant les élections, était donc tout aussi électoraliste. Et les socialistes, en proposant en dernière minute une solution „intermédiaire“ – dont les effets et le bien fondé restent à être étudiés, se donnent un profil de parti sérieux, qui essaie de limiter les dégâts … avec un président dorénavant premier-ministrable. C’est de bonne guerre, mais est-ce une réponse valable au problème qui se pose?


Cet article vous a plu ?
Nous offrons gratuitement nos articles avec leur regard résolument écologique, féministe et progressiste sur le monde. Sans pub ni offre premium ou paywall. Nous avons en effet la conviction que l’accès à l’information doit rester libre. Afin de pouvoir garantir qu’à l’avenir nos articles seront accessibles à quiconque s’y intéresse, nous avons besoin de votre soutien – à travers un abonnement ou un don : woxx.lu/support.

Hat Ihnen dieser Artikel gefallen?
Wir stellen unsere Artikel mit unserem einzigartigen, ökologischen, feministischen, gesellschaftskritischen und linkem Blick auf die Welt allen kostenlos zur Verfügung – ohne Werbung, ohne „Plus“-, „Premium“-Angebot oder eine Paywall. Denn wir sind der Meinung, dass der Zugang zu Informationen frei sein sollte. Um das auch in Zukunft gewährleisten zu können, benötigen wir Ihre Unterstützung; mit einem Abonnement oder einer Spende: woxx.lu/support.
Tagged .Speichere in deinen Favoriten diesen permalink.

Kommentare sind geschlossen.