THEATRE: Bien cadré

Le départ de la saison des théâtres offre un avant-goût de ce que sera en partie l’année culturelle 2007.

Les salles ne seront peut-être pas vides cette saison. N’empêche qu’elles ne verront rien d’innovatif. (photo:www.eu2005.lu)

En relisant des vieux journaux de 1995, on se rend bien compte que la dernière année culturelle a eu lieu au siècle passé. Si au cours de cette première année où le Luxembourg fût capitale européenne de la culture, les éditorialistes s’attaquaient plutôt à une programmation des plus élitaires et calquée sur les grands spectacles, la saison théâtrale à venir offre entre autres des petits joyaux bien plus originaux.

Pourtant, le vocabulaire a changé. En 1995 le mot multiculturalisme était une sorte d’exutoire autour duquel s’agençaient toutes les attentes et fût au coeur de toutes les revendications. En 2006, quelques attentats plus tard et dans une atmosphère générale de rétractation, l’idée du multiculturalisme n’est plus un passe-partout. Rares sont les collaborations qui dépassent l’horizon culturel strictement européen. Ainsi par exemple, le programme des deux théâtres de la ville de Luxembourg, présenté à la presse sous forme de déjeuner informel ce mardi – comme s’il y avait des révélations importantes à faire – ne surprend vraiment pas. Les productions à venir manquent d’audace. Parmi les opéras programmées on en compte par exemple que deux du vingtième siècle. Et encore „Aufstieg und Fall der Stadt Mahagonny“ de Bertolt Brecht et l'“Aladin“ de Nino Rota, ne sont pas des programmations audacieuses. De même pour le théâtre: Pirandello, Horvàth, Beaumarchais, Claudel … Un peu comme si on était revenu à l’idée que le théâtre sert avant tout à l’éducation du peuple. Seule exception qui semble confirmer la règle: „Unter Eis“, du jeune dramaturge allemand Falk Richter, qui écrit des pièces de théâtre éminemment politique mettant en scène l’absurdité du système capitaliste dans des scènes grinçantes d’humour. Toutefois le théâtre de Richter ne dépasse pas, ni dans les textes, ni dans le message les sillons tracés par le théâtre absurde. A part cette petite excursion, rien que des classiques. Car, en ce qui concerne un programme jeunesse ou des créations vraiment originales, on peut bien chercher, mais on ne les trouve pas. Seule chose exceptionnelle: la multiplication des collaborations avec la fameuse Grande Région. Ou du moins l’accent mis sur celles-ci pour bien accentuer le cadre de Luxembourg 2007. Le Grand Théâtre du Luxembourg et le Théâtre des Capucins restent ce qu’ils étaient: des lieux de grand spectacle pour gens cultivés.

Luxembourg 2007: Un cadre avant tout

„Il y a deux théâtres avec lesquels j’aime collaborer: le théâtre du Centaure et celui-ci“, confessait Guy Rewenig lors de la conférence de presse du Théâtre National du Luxembourg (TNL), qui s’est aussi tenue cette semaine, un jour après celle des théâtres de la capitale. Quelques rires complices fusent dans la salle – ici on se veut du côté des non-alignés. Ce n’est peut-être pas un hasard que si parmi les invité-e-s saluées par le directeur du TNL, Frank Hoffmann, on ne trouve aucun-e représentant-e du Grand Théâtre du Luxembourg ou du Théâtre des Capucins. Et c’est vrai qu’à première vue le programme semble plus ouvert que celui des deux derniers. On trouve un programme pour les jeunes digne de ce nom, des créations plus audacieuses aussi, comme „Kommander Kobayashi“, introduisant un genre nouveau: la „Opernsaga“, sorte d’amalgame entre opéra et théâtre épique qui traite d’un vaisseau spatial à la dérive.

Mais le TNL se veut aussi espace de création: ainsi Rewenig sera cette année leur auteur en résidence et créera des pièces satiriques, notamment sur la vie théâtrale au Luxembourg, où selon l’auteur „on ne meurt pas assez bien sur scène“. A côté de cela, il participera à des workshops d’écriture théâtrale pour jeunes. Si l’idée de prendre un auteur en résidence est assez nouvelle pour le Luxembourg, le TNL ne prend tout de même pas de risques en choisissant un écrivain qui est une valeur sûre et avec lequel il collabore depuis les débuts. Même s’il est vrai qu’il donne aussi la parole aux jeunes talents dans le cadre de son projet „Champ libre – Freiraum“.

A noter aussi une plus étroite collaboration avec
la Kulturfabrik eschoise, „le berceau du TNL“, selon Frank Hoffmann. Surtout quand ce berceau se trouve délaissé par une commune plus intéressée à fêter son centenaire en grandes pompes, plutôt que d’investir durablement dans ses institutions culturelles. Il y aura ainsi un échange de pièces entre les deux maisons.

Mais ici aussi l’année culturelle 2007 et tous les défis que celle-ci s’est proposée à affronter reste en bas de page. Les highlights comme Otto Sander dans „Das letzte Band“ de Samuel Beckett ou une lecture de Dostoïevski par Patrice Chéreau n’ont rien à voir avec l’organisation de l’année culturelle.

En fin de compte, on peut dire que si 2007 devait être un ratage, cela ratera au moins avec moins de promesses non-tenues qu’en 1995. Cette fois-ci personne ne parle de grandes fêtes communes, on évite les lieux communs et on fait bande à part. 2007 risque de passer bien inaperçu des spectateurs qui ne prennent pas le soin de lire les notes de production, en bas du cadre des affiches.


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