DROGUES: Faire l’autruche

La campagne anti-cannabis a au moins un atout : la discussion sur la politique des drogues refait surface – mais pas dans tous les programmes électoraux.

« Chère police, les dealers vous disent merci pour la publicité gratuite » – ce n’est qu’un des nombreux commentaires négatifs, voire sarcastiques, que l’on peut trouver sous la vidéo de la campagne anti-cannabis de la police présentée cette semaine. Et, sur le fond, ce commentateur a bien raison. Car la vidéo, produite par Andy Bausch, qui devrait pourtant disposer de plus d’expérience dans le domaine si ce n’est pas par la sienne, alors par celle de son ancien acteur fétiche Thierry Van Werweke, est sinon naïve, du moins plutôt floue, voire fausse. Mettons que le principal problème d’une jeune ado devenue accro au joint ne serait pas de ne plus retrouver sa salle de classe (d’ailleurs la phrase « Putain, ech fannen meng Classe net méi » est en train de devenir culte sur les réseaux sociaux, par le biais de nombreux détournements). Son problème est surtout le risque de ne plus retourner à l’école tout court. Et cela non pas pour avoir tiré sur un joint, mais à cause de la politique gouvernementale qui ne mise que sur la répression : elle risque très vite d’être criminalisée, marginalisée et de se retrouver sur la pente descendante dans l’enfer des drogues. Bref : que la police explique aux jeunes que la fumette est mauvaise et qu’elle est punissable par la loi ne convaincra pas grand monde de ne pas y toucher ; d’ailleurs, stricto sensu, ce n’est pas le boulot de la police. Une majorité croissante d’experts internationaux l’admettent : la guerre contre les drogues est perdue et la répression aveugle ne parviendra jamais au bout du marché mondial des substances illicites.

CSV, ADR et LSAP – motus sur les drogues.

Alors qu’un peu partout dans le monde et même aux Etats-Unis les choses se mettent à bouger, le Luxembourg reste droit dans ses bottes d’un Etat qui ne veut même pas envisager une alternative à la politique existante. Mais peut-être qu’après les élections, la situation va bouger ? Cela dépend un peu de ce que vous allez voter. Si vous voulez que les choses bougent, il faudra en tout cas éviter le vote CSV, LSAP et ADR. Car pour ces trois partis, il faut croire que le problème des drogues n’existe tout simplement pas – en tout cas pas dans leurs programmes. Pas vraiment étonnant quand on se rappelle l’entêtement avec lequel le ministre de la Santé a contré les efforts de l’ex-député ADR et médecin Jean Colombera – qui voulait seulement pouvoir prescrire du cannabis médical. Chez le DP au moins, les drogues ont trouvé leur entrée dans le programme. Si les libéraux n’évoquent pas la légalisation du cannabis, ils ont pourtant le mérite de vouloir renforcer des structures comme le « Tox In », de vouloir les décentraliser et de proposer un « contrat de resocialisation » aux personnes condamnées pour usage de stupéfiants.

Sans surprise, on ne retrouve des revendications de légalisation – quoique légèrement différentes – que chez les Verts, Déi Lénk, le PID et les Pirates.

Les écologistes préconisent une réglementation sur la vente de cannabis aux personnes adultes et veulent surtout s’en prendre aux drogues synthétiques, qui affluent sur le marché – également une conséquence de la répression aveugle. Déi Lénk vont un peu plus loin en voulant dépénaliser toute consommation de drogue et légaliser le cannabis. De plus, ils mettent le doigt sur une autre plaie : le manque chronique de thérapie au Luxembourg, ce qui est une vraie catastrophe. Contrairement à ce qu’on aurait pu attendre du PID, ils ne réclament pas la légalisation du cannabis, mais seulement de pouvoir l’utiliser en tant que médicament. Pourtant, les « intégraux » demandent aussi que l’Etat, sous certaines conditions, puisse dispenser des substances illicites aux toxicomanes dans le cadre d’une thérapie. Et ils revendiquent justement que la politique de coopération s’en mêle – au vu des conditions de vie dans les pays et régions des principaux producteurs de drogue (que ce soit en Afghanistan ou en Amérique du Sud). Mais ce sont les Pirates qui vont le plus loin et qui proposent, sans le dire, le modèle portugais. Car, comme au Portugal, ils veulent classifier la toxicomanie comme une maladie, dépénaliser le cannabis, permettre le cannabis médical et surtout cesser la prohibition des substances psychotropes en général. Et que si l’Etat prévoyait de vendre – et donc de taxer – des substances psychotropes, que les revenus reviennent uniquement à la Caisse nationale de santé.

Après ce bref survol, on ne peut que constater que la prise de conscience des alternatives à la politique actuelle n’est pas encore arrivée dans le mainstream politique et surtout que les grands partis préfèrent continuer de faire l’autruche face à une problématique stationnée depuis longtemps dans un cul-de-sac.


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