Affaire Bettel-Kemmer: Nid d’espions

Avec la mise en scène d’une « affaire Bettel-Kemmer », le CSV démontre qu’il a la mémoire courte et que la soif de revanche lui coupe les neurones. Pourtant ce n’est pas à la coalition, qui n’a pas fait ses devoirs non plus, de jubiler.

1367editoCoup d’éclat mardi dernier : une conférence de presse annoncée dans l’urgence par le CSV pour commenter les révélations du Luxemburger Wort des derniers jours. Devant les gros calibres de la presse grand-ducale, Claude Wiseler, chef de fraction et jusqu’ici unique candidat déclaré à la course au premier de liste des conservateurs, a déclaré que les agissements de Xavier Bettel étaient inacceptables et, avec un léger tremblement pathétique, a réclamé « toute la vérité sur l’affaire dans les prochains jours ». Avant de faire passer le message à demi-mot : si Bettel ne nous convainc pas, nous allons réclamer sa tête. Pour une manœuvre préélectorale, on a déjà vu plus subtil.

Mais que s’est-il passé au juste ? À ce que l’on sait, une source anonyme a fait parvenir au Wort une copie du procès-verbal d’une entrevue entre le premier ministre et le juge d’instruction Ernest Nilles. Au cours de cet entretien, le faux pas de Xavier Bettel en 2013, lorsque, en tant que membre de la commission d’enquête sur le Srel il a rencontré en privé l’ex-barbouze André Kemmer, a été évoqué. Si le fait que Bettel n’a démissionné de la commission d’enquête que quatre mois plus tard – et pas directement, comme il l’a prétendu – et qu’il a tu ses raisons réelles – voire menti aux autres députés – est certes une connerie, il n’y a à première vue rien d’illégal. Juste un politicien qui perd un peu plus de sa crédibilité, déjà endommagée. Reste la question : mais qui aurait eu intérêt à faire fuiter le procès-verbal permettant au plus grand parti de l’opposition, avec l’ADR à ses baskets, une contre-offensive sur la crédibilité du premier ministre ?

Si la réponse à cette question ouverte permettrait certes de découvrir qui a mené la dernière intrigue politique au Luxembourg, elle est pourtant loin d’être essentielle. Car l’« affaire » Bettel-Kemmer n’est rien comparée aux manigances, à la surveillance politique et aux dépassements de compétences qui étaient – et sont encore – le pain quotidien de notre service de renseignement. Si l’affaire Srel est à mettre au compte des conservateurs, qui pour mémoire avaient tout fait pour bloquer la commission d’enquête à l’époque, ce n’est pas aux coalitionnaires de se réjouir. Certes, sans cette affaire, ils ne seraient pas au pouvoir. Mais une fois arrivés aux commandes, ils n’ont rien fait pour améliorer la situation. La nouvelle loi sur le Srel n’est toujours pas votée et les critiques envers le projet de loi sont légion – tant les recommandations de la commission d’enquête d’antan ne s’y retrouvent plus.

« Les rapports entre gouvernements successifs et Srel sont définis par l’instrumentalisation et la contre-instrumentalisation permanentes. »

Ainsi, les rapports entre gouvernements successifs et Srel sont définis par l’instrumentalisation et la contre-instrumentalisation permanentes. Et ils passent à côté de l’essentiel : une réforme crédible de cette officine qui pendant trop longtemps a plongé dans les eaux troubles et opaques des trafics d’influence en coulisses.

Car, une fois n’est pas coutume, c’est le parti déi Lénk qui tire bien son épingle du jeu. En profitant du retour du Srel dans les manchettes des quotidiens nationaux, il s’est saisi de l’occasion pour poser les questions qui fâchent – sur l’enquête menée par le juge d’instruction par exemple. Un détail que les politiciens et les journalistes, trop absorbés par la mauvaise comédie politique, avaient laissé de côté.

À part ça, cette « affaire » qui n’en est pas vraiment une a eu au moins le mérite de démontrer jusqu’où le CSV peut aller dans ses désirs de reconquérir le pouvoir et à quelles sortes de magouilles il faudra encore s’attendre de tous les côtés avant les élections de 2018. Entre-temps, c’est avant tout la crédibilité de toute la classe politique qui s’en prend encore sur la tronche. Bien joué, les gars, bien joué…


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