Après la primaire : Recomposition à gauche ?


La primaire de la gauche française a vu le frondeur Benoît Hamon propulsé candidat du PS. Déjà, certains envisagent une alliance avec les écolos et Mélenchon.

Benoît Hamon affrontera-t-il l’« establishment » de son propre parti ? (Photo : Parti socialiste)

Qui l’eût cru ? Benoît Hamon, frondeur, représentant de l’aile gauche du Parti socialiste, fera la course à la présidentielle au nom de son parti. Gagnant de la primaire de gauche (woxx 1407) avec un score respectable de 58 pour cent face au candidat « naturel » de son camp, l’ancien premier ministre Manuel Valls. Élu sur une proposition phare, celle d’un revenu de base universel, et sur un programme radical : abrogation de la loi Travail introduite par un gouvernement socialiste, planification énergétique, démocratie participative et Sixième République. Un personnage calme et posé, qui mise sur le collectif plutôt que sur sa personne, qui contraste avec la majorité de ses concurrents.

Le voilà donc investi candidat de la gauche – et confronté à la dure réalité d’une campagne électorale comme la France n’en a que rarement vu. À sa gauche : un Jean-Luc Mélenchon intransigeant, candidat de la « France insoumise », profondément hostile au PS et à la gauche dite « de gouvernement ». À sa droite : Emmanuel Macron, jeune et charismatique, libéral et chouchouté par les grands médias. Derrière lui : un appareil socialiste qui aurait largement préféré une victoire de Manuel Valls et qui ne lui fera certainement pas de cadeaux. Le tout sur fond de quinquennat socialiste raté, et dont lui-même, s’il a su quitter le navire à temps, a tout de même fait partie en tant que ministre de l’Éducation.

Alors qu’il était encore en train de tendre la main à Jean-Luc Mélenchon et au candidat écolo, Yannick Jadot, en leur proposant de « construire ensemble une majorité gouvernementale pour le progrès social, écologique et démocratique », le président sortant François Hollande lui promettait déjà son soutien. Tout comme le premier ministre actuel Bernard Cazeneuve, qui tint à lui rappeler qu’« on ne réussira pas sans assumer le bilan du quinquennat de François Hollande, dont nous avons toutes les raisons d’être fiers des progrès qu’il aura grandement contribué à rendre possibles », le mettant ainsi devant un choix clair : défendre le bilan de Hollande pour s’assurer du soutien de l’« establishment » du PS, ou alors ignorer ce dernier et en payer le prix.

« Vague dégagiste »

Et tandis que Yannick Jadot a invité Benoît Hamon à « s’émanciper » du PS et a assuré qu’« il y aura un bulletin Jadot à la présidentielle », Jean-Luc Mélenchon a été on ne peut plus clair sur une éventuelle alliance : « Il faudra choisir entre eux et nous », a-t-il affirmé sur sa chaîne YouTube. Et si le candidat de la « France insoumise » semble apprécier Hamon en tant que personne et se dit « enchanté » qu’il reprenne certaines de ses propositions, il exclut d’ores et déjà toute tentative de « grand écart ». Hamon, pour lui, fera soit partie de la « vague dégagiste » qui s’est abattue autant sur Valls que sur Sarkozy ou Juppé – Mélenchon fait ici un clin d’œil à la Tunisie révolutionnaire de 2011, qui a vu naître le mouvement du « dégagisme » -, soit il fera partie de ceux qui tentent de « sauver le vieux monde ».

« Plus jamais PS »

Benoît Hamon osera-t-il le grand écart, en essayant de rallier d’un côté l’électorat du PS frustré qui s’est tourné vers Mélenchon, tout en tentant de stopper l’hémorragie de l’aile droite du PS vers Macron ? Fera-t-il la paix avec l’appareil du PS et avec le quinquennat de François Hollande, au risque de se couper de sa base contestataire, appartenant à l’aile gauche du parti, et de barrer la route à toute collaboration avec Mélenchon et les écolos ? Ou prendra-t-il le chemin que Jeremy Corbyn a pris au sein du Labour britannique, celui de la confrontation ouverte avec l’« establishment » du parti, risquant ainsi de perdre définitivement son aile droite ?

Mathématiquement, et au vu des derniers sondages – toujours à prendre avec précaution, bien entendu – qui le créditent d’environ 15 pour cent des voix au premier tour, contre dix pour Mélenchon et deux pour Jadot, une candidature unique aurait de bonnes chances de se retrouver au deuxième tour de l’élection. Une telle candidature unique, est-ce pour autant ce que désire tout le monde à gauche ? Pour Mélenchon, cela pourrait s’avérer dangereux. Lui qui se montre intransigeant face au PS et qui joue le « peuple contre les élites » a beaucoup à perdre : son électorat lui pardonnera-t-il une alliance avec le PS, même avec un PS très à gauche ? Quelle influence aura l’un des slogans de « Nuit debout », « Je ne voterai plus jamais PS » ? Et en quoi de tels jeux mathématiques et politiciens en fin de compte collent-ils à l’imaginaire du « peuple contre les élites » ?

Il semble d’ores et déjà sûr qu’une alliance avec Mélenchon coûtera cher à Hamon. Le candidat de la « France insoumise » ne l’acceptera probablement qu’à une condition : que Hamon rompe une fois pour toutes avec l’establishment du PS et avec le quinquennat de Hollande. Hamon sera-t-il prêt à payer le prix ? Il a, en définitive, trois options : soit il tente donc l’alliance de gauche et rompt avec son parti ; soit il se pose en rassembleur, défend – du moins en partie – le bilan de Hollande, et perd une partie de sa base au profit de la « France insoumise » ; soit il tente de battre Mélenchon sur ses terres en le « ringardisant », mais perd la droite du PS au profit de Macron. Quel que soit son choix, Benoît Hamon risque d’y laisser des plumes.


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