Archives : Recherche « branding »


Avec « Têtes chercheuses », les Archives nationales mettent l’accent sur celles et ceux qui les font vivre : les chercheurs, qu’ils soient universitaires ou non. Malgré quelques choix discutables, l’expo fonctionne bien.

1394expo002S’ils ont tous l’air un peu empoussiérés sur leurs portraits, c’est que le procédé utilisé pour capter les « Têtes chercheuses », le collodion, est vieux de plus d’un siècle. Manipulé par Joël Nepper et Sévérine Peiffer, ce vieil appareil produit des impressions intemporelles et charmantes dans leur légère imperfection – surtout en raison du temps d’éclairage prolongé que nécessite ce procédé.

Mais au-delà de ces images à l’ancienne, c’est la technique moderne qui prévaut. Ainsi, Beryl Koltz, à l’origine du concept, a revêtu ses bottes de réalisatrice et a produit un film par tête exposée. Les chercheurs ne s’y expliquent pas uniquement sur leur travail, mais aussi sur leurs motivations et sur ce qui les a amenés à s’intéresser aux archives. Le tout filmé dans l’intimité de leurs bureaux ou autres lieux de travail. Ces films procurent au spectateur la possibilité de se questionner aussi lui-même par rapport au travail de mémoire.

Surtout parce que les motivations des différentes « Têtes chercheuses » peuvent varier énormément. On a par exemple le fonctionnaire retraité Tun Jacoby, qui s’intéresse de près aux questions généalogiques et a réussi à remonter loin dans l’histoire de sa famille. Cela l’a même amené à des conflits intérieurs : en découvrant qu’il descendait d’une lignée de bourreaux, il a failli tout plaquer tellement cette découverte l’a choqué. Après une période de doutes, il a tout de même décidé de revenir aux archives et organise même maintenant des rencontres internationales de descendants de bourreaux.

Mais on peut s’intéresser aussi à des pans d’histoire qui ont moins, voire aucun lien avec son histoire personnelle. Tel est par exemple le cas de Mohamed Hamdi, étudiant en histoire et en philosophie, qui s’intéresse de près à un chapitre encore très occulté dans la conscience nationale luxembourgeoise : les liens entre l’industrie de l’acier grand-ducale et l’effort de guerre allemand entre 1914 et 1918. En effet, si pour la Seconde Guerre mondiale l’occupation faisait que la sidérurgie était totalement aux mains des nazis, cette affirmation est un peu plus ambiguë pour le conflit précédent.

D’autres passions ont amené les « Têtes chercheuses » encore plus loin dans l’histoire du pays. Comme pour Antoinette Reuter : la professeure et auteure s’intéresse de près aux procès en sorcellerie qui ont eu lieu aux 16e et 17e siècles au Luxembourg. Elle estime notamment qu’entre 2.000 et 3.000 procès ont eu lieu et que les personnes touchées étaient aux trois quarts des femmes.

Plus proche de notre époque et pour une tout autre raison, Andy Bausch, le cinéaste marque nationale, est aussi un habitué des archives, notamment pour se procurer du matériel pour ses films documentaires, que ce soit la « Belle Époque » ou l’histoire des syndicats.

Si la vie juive au grand-duché et la Seconde Guerre mondiale sont bien représentées par la présence dans l’exposition de Denis Scuto et de Renée Wagener, on s’étonne tout de même que le travail de Vincent Artuso soit passé sous silence. Mais peut-être que découvrir la vérité sur la collaboration avec les nazis au Luxembourg à partir des années 1930 n’est pas la première chose qu’on voulait présenter au public.

Sinon, « Têtes chercheuses » réussit dans son intention de rendre la recherche dans les archives plus humaine en lui donnant des visages concrets et multiples.

Aux Archives nationales, 
jusqu’au 28 février 2017.

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