Art luxembourgeois
: La révolution abstraite


La Villa Vauban accueille jusqu’en mars 2019 une exceptionnelle rétrospective des artistes phares de l’art non figuratif du pays. L’occasion de voir, en un même lieu, les tenants de la modernité artistique du Luxembourg. En cinquante ans, ils ont révolutionné un paysage longtemps conservateur. Le pays ne s’en est jamais totalement remis.

(Photos : Villa Vauban)

Loin des concours d’aquarelle du Grund, l’exposition « Art non figuratif », accueillie par la Villa Vauban, est une démonstration de la richesse de la production locale. Car le Luxembourg possède un courant contemporain passionnant.

De Lucien Wercollier à Théo Kerg, en passant par Roger Bertemes ou Joseph Probst, l’exposition est un riche voyage dans la révolution artistique locale. Tous, à leur manière, ont tracé les sillons de ce qu’allait devenir le Luxembourg, fort de son Mudam, de son Casino et de cette attractivité pour l’étrange modernité.

Dès les années 1940, ces artistes se sont inspirés de la nature pour en offrir une représentation personnelle et abstraite. Lucien Wercollier, le cofondateur du mouvement des iconomaques, était ainsi un maître de la forme, avec des sculptures totalement lisses, totalement libres et résolument folles pour l’époque. On les retrouve, imposantes, dans les jardins de la Villa, douce introduction à la suite de l’exposition.

À l’intérieur, le visiteur est attiré par les étranges toiles de Théo Kerg, qui s’était converti à l’abstraction dans les troublées années 1930. Attiré par l’idéologie nationale-socialiste, Kerg cultivait un mépris pour le conservatisme et appartenait au groupe Abstraction-Création, comme Kupka, Kandinsky ou Mondrian. Francophile et moderne, il était à l’image du tourment de l’époque. Il n’est redevenu fréquentable qu’après sa disparition, comme si ses toiles tactiles, torturées et sombres, échappaient aux interrogations que l’artiste portait. Théo Kerg y répond à Wercollier, avec ses formes abstraites, en noir et blanc, oppressantes et déchirantes, souvent violentes dans leur symbolique historique. On y distingue des formes proches du futurisme italien ou de l’imagerie fasciste, griffées à même des toiles construites dans l’urgence.

Beaucoup plus fréquentable, l’œuvre de Joseph Probst est un temps fort de cette exposition. Son cycle « Winterreise » peut être vu dans l’intégralité de ses 24 tableaux grâce à un prêt de la Banque internationale à Luxembourg. Inspiré par les lieder de Franz Schubert, il parcourt en toiles de couleurs vives ces classiques de la musique pour en donner une représentation moderne.

Face à lui, Roger Bertemes apure encore le trait de ses compositions sombres traversées par des éclairs de couleurs. Dans les années 1960, son œuvre se retrouve dans des livres de poésie au travers de collages et autres créations étonnantes. Au-delà de sa liberté, il appréhende alors l’art comme un mode de communication propre et se pose comme relève de ses glorieux prédécesseurs.

Au sortir de l’exposition, un sentiment demeure : l’art non figuratif, au Luxembourg comme ailleurs, s’est construit autour des soubresauts de l’époque. Tour à tour accompagnateur, dissident ou porté aux nues, il représente aujourd’hui une richesse patrimoniale majeure. Cette rétrospective à la Villa Vauban n’en est que plus indispensable, entre trésors cachés et perles reconnues.

À la Villa Vauban, jusqu’au 31 mars 2019.

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