Christophe Ali et Nicolas Bonilauri
 : Le buzz retombe

La venue en grande pompe de Nathalie Baye au grand-duché a braqué tous les projecteurs sur « La volante », une des récentes coproductions luxembourgeoises dans les salles. Un buzz bien orchestré pour un film pas franchement emballant.

1338kinoNeuf ans après la mort de son fils renversé par une voiture, Marie-France parvient à s’immiscer dans la vie de Thomas, le « meurtrier », qui conduisait à l’époque sa femme à la maternité sous une pluie battante. Secrétaire volante, c’est-à-dire éternelle remplaçante, elle emménage dans le bureau du jeune père, qui occupe le poste de chef de service dans une administration municipale. Celui-ci vit désormais séparé de sa femme avec son fils Léo. En s’ingéniant à compliquer l’emploi du temps de son patron, Marie-France va se rendre indispensable et fomenter une terrible vengeance.

Le côté hitchcockien du résumé précédent aurait de quoi réjouir les amateurs. D’autant que l’axiome de départ – un enfant naît alors qu’un autre meurt – avait un potentiel de complexité narrative plutôt de bon aloi. Hélas, les réalisateurs Christophe Ali et Nicolas Bonilauri, qui revendiquent la filiation avec le « Marnie » du maître du suspense pour son personnage de secrétaire au passé trouble, s’évertuent tout le long du film à saper toute attente dramatique en prenant le parti de proposer une narration banalement linéaire. Pas de flash-back, pas de discontinuité : le scénario déroule avec ostentation tous les artifices du genre sans chercher à les renouveler aucunement. Certes, il n’y a pas de faux pas notoire ni d’incongruité, mais tout simplement parce que le film est finalement sans aspérités et sans réelle saveur.

Les acteurs font de leur mieux en l’absence probable de directives précises. Malik Zidi finit par lasser avec son éternel air débordé par la situation, empreint à la fois de reconnaissance et de préoccupation face à cette secrétaire si envahissante. Nathalie Baye s’emploie avec un certain succès à composer un visage au sourire énigmatique et vaguement anxiogène. Mais là encore, les cinéastes usent et abusent du même procédé qui consiste pour chaque scène qu’ils veulent charger de suspense à accompagner un gros plan sur l’actrice – de préférence avec un léger zoom – d’une musique chargée de pathos. S’il y en a un qui s’est fait plaisir, c’est bien le compositeur Jérome Lemonnier. Même s’il n’atteint pas la maîtrise de Bernard Herrmann, tout comme Ali et Bonilauri ne titillent pas la classe d’Alfred Hitchcock, on ne peut guère lui reprocher l’usage emphatique qui a été fait de ses mélodies au montage.

Pour l’interprétation, une bonne surprise vient néanmoins de l’acteur belge Johan Leysen qui, malgré un rôle assez peu développé, campe le père de Thomas avec une sorte de bonté un peu simple, qui contraste avec ce qui se veut un film noir. Mais son personnage succombe à la folie meurtrière de Marie-France, dont on se demande bien d’ailleurs pourquoi elle a patiemment tissé sa toile afin de s’immiscer dans une famille pour finalement essayer de la décimer rapidement dans un bain de sang. Si c’est une invitation à la réflexion sur la psychologie du personnage, alors les éléments qui permettraient d’alimenter celle-ci manquent cruellement en raison, encore une fois, de la linéarité du scénario.

Oui, on sent dans la « La volante » une ambition claire, une volonté de tenir le spectateur en haleine. Oui, c’est une coproduction luxembourgeoise tournée dans la région, ce qui justifie qu’on y prête attention. Mais le pari n’est pas réussi et, dès la sortie de la salle, les images s’envolent bien loin pour ne plus revenir. Finalement, si l’on a vu la bande-annonce, alors on a déjà vu tout le film. Mieux vaut dans ce cas revoir un bon Hitchcock.

Aux Ariston, Ciné Waasserhaus et Utopia.

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