Cinq questions à
 Tanja Frank


En vue des élections communales d’octobre, le woxx interroge une candidate toutes les semaines. Au tour de Tanja Frank, candidate Déi Gréng à Luxembourg-ville.

(Photo: © Émile Hengen 
)

woxx : Qu’est-ce qui vous a amenée à vous engager dans la politique communale à Luxembourg ?


Tanja Frank : Je pense qu’il y a pas mal de choses à faire à Luxembourg-ville. Parce que je crois qu’il faut prendre les choses en main plutôt que râler. C’est justement ça qui m’intéresse dans ces élections : elles offrent la possibilité de prendre les choses en main. En 2010, quand j’ai pris ma carte chez les Verts, c’est d’ailleurs ce que je me suis dit. J’ai pensé qu’il était inévitable de prendre position, de s’immiscer. Les élus, qu’ils soient de gauche ou de droite d’ailleurs, font ce qu’ils veulent une fois qu’ils sont au pouvoir. Ça conduit les gens à se dire que, de toute façon, on ne peut rien changer. Moi, je ne suis pas d’accord avec ça. Je pense qu’il ne faut pas les laisser faire, qu’il faut les déranger.

Pourquoi êtes-vous candidate chez les Verts en particulier ? Le bilan des Verts en ville ou au niveau national vous a-t-il satisfaite ?


Quand je suis devenue membre, les Verts étaient en effet ceux que j’estimais les plus proches de mes idées politiques. C’est non seulement l’aspect « classique », écologique, qui m’intéresse, mais aussi la diversité des positions et des sujets qui sont abordés au sein du parti. À l’époque, c’était aussi le parti où, en tant que femme et en tant que nouvelle arrivante en politique, j’estimais avoir le plus de chances d’avoir mon mot à dire en termes de programme et de décisions. Ce qui m’a intéressée par ailleurs, c’était l’approche quant aux crèches, par rapport aux mamans qui travaillent. En général, l’aspect social m’intéresse beaucoup… même si la coalition avec le DP a forcé le parti à faire des compromis sur les sujets sociaux. C’est ça, une coalition, et c’est intéressant aussi de voir, au niveau national, un parti qui a toujours été dans l’opposition être confronté à la réalité d’un gouvernement. Mais je pense que c’est aussi pour ça qu’il faut des gens comme moi, qui essayent de pousser le parti plus à gauche.

Le mot d’ordre de Déi Gréng Stad est « Besser liewen an der Stad » (« Mieux vivre en ville »). Pourtant, vu les prix exorbitants des logements, on peut avoir l’impression qu’il s’agit surtout de « mieux vivre » pour ceux qui peuvent se le permettre. Le programme de Déi Gréng Stad en matière de logements n’est pas forcément très ambitieux ou radical… 


Ce n’est pas totalement faux. Je suis moi-même une victime de la politique du logement luxembourgeoise en quelque sorte, puisque je fais partie de l’espèce rare de ceux qui louent un logement « social » à Luxembourg-ville. Nous avons eu beaucoup de chance d’obtenir un tel logement, même si honnêtement, je trouve ça ridicule d’appeler « social » des appartements à 500.000 euros les 120 mètres carrés. Je crois que le problème vient aussi du fait que ces programmes ne sont jamais écrits par les personnes concernées, mais par des gens qui ne connaissent pas cette réalité-là. C’est un problème général : ceux qui sont les plus concernés par ces sujets ne sont pas représentés dans les partis, pour diverses raisons. Je me demande parfois si tout le monde saisit l’urgence qu’il y a en termes de logements. En tout cas, personnellement, je suis en faveur de mesures beaucoup plus drastiques, plus radicales.

Être une femme et faire de la politique, est-ce difficile ? Pourquoi ?


En fait, le problème, ce n’est pas « les femmes en politique », mais « les femmes dans la vie publique » en général. Quand tu t’exprimes sur un sujet en tant que femme, tu peux faire le pari que tu trouveras au moins trois mecs qui ont quelque chose à redire, qui te disent pourquoi ce que tu énonces est faux. Une femme qui prend une position claire n’est pas prise au sérieux, est en quelque sorte remise à sa place. En politique, c’est peut-être encore pire. C’est très énervant et il faut que ça change. Mais voilà, je pense que pour changer les choses, il faut y aller, il ne faut pas se laisser faire, sinon rien ne changera jamais. J’ai eu l’exemple récemment, quand je me suis prononcée contre la « taxe tampon » pour les femmes sur Facebook : impossible d’avoir le dernier mot en tant que femme. Il a fallu que des mecs interviennent dans la discussion pour que ma position soit prise au sérieux finalement. Ça rend fou. Et le pire c’est que c’est systématique. C’est ça aussi que je voudrais changer, pour que mes deux filles soient moins confrontées à ça dans leur vie d’adulte.

Quels sont les sujets qui vous tiennent particulièrement à cœur à Luxembourg-ville ?


Je pense que le logement constitue un problème majeur. Moi, j’ai envie de pouvoir continuer d’habiter en ville sans être obligée de ne plus habiller mes enfants, parce que je dépense tout mon argent dans un loyer. J’aimerais aussi m’impliquer dans des discussions sur la gestion des déchets, parce que là où j’habite, ça ne fonctionne pas bien. Tout ce qui touche à la garde des enfants, aux maisons-relais. Je trouve qu’il faudrait beaucoup plus d’écoles de jour (« Ganztagsschulen »), où les enfants ne sont pas obligés de changer de structure trois fois par jour sans qu’une structure sache ce que fait l’autre. J’ai un enfant dans une école de jour, avec une maison-relais qui collabore étroitement avec l’école, et je trouve que beaucoup d’autres devraient avoir cette chance.


Âgée de 44 ans, Tanja Frank travaille dans le milieu de la culture et s’y engage aussi de façon bénévole. Mère de deux enfants, elle habite Bonnevoie. Elle a déjà été candidate pour Déi Gréng aux élections législatives de 2013.


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