Cultes : La zizanie

Avec le vote préparant l’abolition définitive des fabriques d’Église, le gouvernement a enfin entamé un premier pas concret vers une séparation réelle entre l’État et les cultes. Pourtant, la confrontation n’est pas finie.

(Photo : flickr)

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Le syndicat des fabriques d’Église (Syfel) « s’opposera résolument à la cathophobie et au totalitarisme intellectuel du Gouvernement à l’encontre du religieux ». « Christine Boutin, sors de ce corps ! », a-t-on envie de crier à la lecture de la conclusion d’un communiqué du Syfel datant du 7 janvier, commentant l’avis du Conseil d’État sur le projet de loi modifiant enfin le décret de 1809 sur les fabriques d’Église. L’intransigeance des représentants du Syfel n’est pas la seule occasion de se taire que les tenants de l’« église qui doit rester dans le village » viennent de rater. Ainsi, l’initiative « Fir de Choix », derrière laquelle se cachent les aficionados du catéchisme à l’école, a récemment porté plainte contre l’Alliance des athées, humanistes et agnostiques (AHA) pour diffamation. Celle-ci avait eu l’idée de faire une blague potache au ministre de l’Éducation Claude Meisch en lui offrant un broyeur destiné à réduire en miettes les courriers de « catholiques intégristes », que celui-ci recevrait en masse depuis que l’« éducation aux valeurs » comme cours unique est en train de se concrétiser. Certes, l’AHA n’est pas exempte de critiques – et de loin moins apolitique qu’elle le prétend. Toujours est-il que cette action était de bonne guerre, face à la virulence de certains « intégristes ».

Reste la question de savoir pourquoi ces gens s’offensent face à l’adjectif « intégriste ». Selon le Larousse, le mot signifie : « Attitude et disposition d’esprit de certains croyants qui, au nom du respect intransigeant de la tradition, se refusent à toute évolution » et « Conservatisme intransigeant en matière de doctrine politique ». Donc tout ce que représentent le Syfel et « Fir de Choix ». Ces initiatives catholiques ont beau prétendre qu’une réforme de l’Église et de ses relations avec l’État serait nécessaire, tant qu’ils sont les seuls à bloquer le gouvernement avec de tels « arguments » et de telles actions, leur crédibilité tend dangereusement vers zéro. Persévérer comme le font certains milieux de l’Église et de son entourage est un signe d’aveuglement et d’obstination – en même temps que cela traduit une certaine détresse.

Un renouvellement était plus que nécessaire après presque 200 ans de privilèges devenus injustifiables.

Le problème, c’est qu’ils se trompent d’adversaire, car le deal passé entre l’archevêché et le gouvernement est loin d’être l’expression d’une « cathophobie », mais plutôt une possibilité pour l’Église catholique de se renouveler sans trop prendre de risques. Et un renouvellement était plus que nécessaire après presque 200 ans de privilèges devenus injustifiables. Faut-il rappeler que ce jugement ne provient pas d’un « cathophobe » mais de la commission d’experts mandatée en 2012 par le ministre CSV François Biltgen ?

Le gouvernement ne fait donc rien d’exceptionnel en réalisant des réformes déjà préconisées par son prédécesseur. Son problème est qu’il a voulu trouver un compromis et que ce qui est en train de se passer au niveau des fabriques d’Église est aussi arrivé dans la bataille de l’« éducation aux valeurs » : en essayant de satisfaire tout le monde, l’exécutif s’est mis tout le monde à dos. Car ses réformes sont loin de satisfaire celles et ceux qui espéraient une vraie fin des privilèges du religieux. Tout au contraire, puisque la transition est généreusement huilée à l’argent du contribuable et que, jusqu’ici, rien n’est gravé dans le marbre – même pas l’abolition des fabriques d’Église, vu qu’elles ne le seront vraiment que lors de l’établissement du fameux fonds promis par le gouvernement.


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