Mendicité : The Good, the Bad and the Ugly

Le feuilleton estival mis en scène autour de la mendicité organisée démontre que trois fois rien peut être assez pour alimenter les pires préjugés sans l’apport de preuves concrètes.

s1Si tout était vrai dans les reportages télévisés consacrés à la mendicité organisée sur les ondes de RTL, alors les salarié-e-s du woxx devraient logiquement en être les premières victimes. Car cela fait un peu moins de deux décennies que nos bureaux se trouvent près du « hot spot » de la gare de Luxembourg. Pourtant, aucun membre de notre rédaction ni du staff technique ne s’est jamais senti importuné par les mendiants prétendument agressifs, et aucun de nous ne s’est fait voler son portefeuille en se rendant au boulot.

Ce qu’il faut garder à l’esprit au cœur de la polémique, ce sont les faits. Et ceux-ci parlent une autre langue que celle du maître perché sur son trône d’avocat médiatique et de ses suiveurs. Car si la pauvreté en soi a augmenté ces dernières années – l’échevine sociale de la capitale Viviane Loschetter a même évoqué la saturation des offices sociaux -, la mendicité n’a pas suivi en conséquence. Mais cela ne semble pas piquer les « Vogeliens », ni les journalistes de RTL qui construisent des dossiers avec des « preuves » sur la mendicité organisée pour ajouter de l’huile sur le feu qui couve sous les zincs.

Distinguer entre un clochard grand-ducal et un Rom est et reste une discrimination.

La dernière trouvaille en date – reprise par le ministre de la Justice Felix Braz – est la distinction entre « bons » et « mauvais » mendiants. Entre ceux qui s’organisent et ceux qui mendient pour leur propre compte. Cette distinction n’est pas uniquement très difficile à faire, mais elle traduit aussi la xénophobie dont les Roms – car c’est d’eux qu’on parle – sont les victimes partout dans le monde. Distinguer entre un clochard grand-ducal et un Rom est et reste une discrimination. Car tous les deux sont victimes de la pauvreté ; et s’il s’avérait que la mendicité des Roms était vraiment organisée, la police ne devrait pas chômer : les textes de loi réprimant cette sorte de mendicité existent, il suffit de les utiliser. Cela non contre les gens qui sont physiquement dans la rue en train de tendre leur gobelet en direction des passants, mais contre ceux qui profitent derrière. Car les premiers sont les victimes d’une traite des êtres humains et d’une exploitation inexcusables et ne méritent sûrement pas la haine et l’ostracisme qu’on projette sur eux – mais plutôt la protection qui leur est garantie par la loi et de laquelle ils doivent pouvoir profiter, qu’ils soient étrangers ou non.

Mais voilà, l’histoire de la mendicité organisée ou de la mafia des mendiants pourrait aussi s’avérer un mythe. Sinon, pourquoi la justice n’enquête-t-elle pas contre les parrains de cette mafia, vu qu’elle le peut ? Ce qui indique que la réalité derrière ce phénomène est très complexe. D’abord : que veut dire organisé ? Si un groupe de mendiants se coordonne pour distribuer les « meilleures » places et se partager le pactole en fin de journée, est-ce une organisation criminelle ou une « syndicalisation » de la mendicité ? Certes, si on a affaire à une exploitation criminelle d’indigents et à la traite d’êtres humains, c’est à la justice d’agir. Mais sinon, essayer de démonter le mythe qui veut que tous les Roms soient organisés dans une mafia qui essaie de nous dévaliser peut aussi être très sain. Au Luxembourg, une des seules voix crédibles sur ce point – vu sa longue expérience et son amitié avec la communauté incriminée – est le photographe Patrick Galbats qui, sur les réseaux sociaux, a utilisé son expérience personnelle pour contrer la vague de haine et de préjugés. Son principal argument : ces gens ne mendient pas parce que ça leur plaît ; la plupart sont à la recherche de ce qu’ils ne trouvent pas chez eux – un travail. Et souvent, même s’ils ont des qualifications, ils accepteraient du travail physique très dur si cela les aidait à nourrir leurs familles. Enfin, s’ils se regroupent, c’est que, souvent, ils sont en famille. Donc taxer une famille réduite à la mendicité de crimes mafieux ne fait pas forcément sens.

Même si le problème est complexe, une chose est claire : pour sortir de cette problématique, le renforcement des préjugés est le mauvais remède. Peut-être que Me Vogel pourrait montrer le bon exemple et employer quelques Roms pour entretenir son jardin ?


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