Fernando León de Aranoa : Bof Escobar


Il est déjà difficile de faire mieux que la série « Narcos », mais « Loving Pablo », la biographie filmée de Pablo Escobar, est tellement plate et sans intérêt qu’elle n’a aucune chance d’y être comparée.

Tomber amoureuse d’un baron de la drogue peut gravement nuire à votre avenir professionnel.

On pourrait le prendre en pitié, cet homme aux yeux de Droopy qui prend la poudre d’escampette tout nu dans la jungle colombienne, fuyant des hélicoptères armés qui bombardent son camp. Juste que cet homme n’est pas armé d’un fusil militaire pour rien : il s’agit de Pablo Escobar, un des criminels les plus riches et les plus meurtriers du 20e siècle.

Beaucoup de choses ont été dites ou écrites sur ce baron de la drogue qui a fait la guerre à son pays. Escobar, la petite frappe qui entre dans le monde du trafic de cocaïne et se propulse à sa tête en un minimum de temps. Escobar qui – après avoir été moqué pour ses ambitions politiques : il fut tout de même furtivement sénateur – déclenche des massacres sans précédent en Colombie, pays de toute façon gangréné par la violence. Escobar, l’amant de la journaliste Virginia Vallejo, qu’il protège jusqu’au jour où elle craque pour la Drug Enforcement Administration américaine, en devenant un des principaux témoins à charge des exactions du « patrón », mais aussi de la corruption au plus haut niveau de l’État colombien. Enfin, Escobar criblé de balles sur un toit de Medellín après une fuite de sa prison, aménagée par ses soins à ses goûts de luxe et de dépravation.

L’histoire est donc connue, et la version cinématographique du livre de Vallejo, « Loving Pablo, Hating Escobar », n’apporte strictement rien de nouveau. C’est plutôt un prétexte pour raconter encore une fois l’époque dorée du cartel de Medellin, quand la coke était l’affaire des Colombiens et non pas, comme de nos jours, entre les mains de Mexicains. Et puis surtout, l’histoire manque de profondeur et on a des difficultés à cerner les personnages, aussi connus soient-ils.

Javier Bardem joue un Escobar placide, vite ennuyé et prompt à la mélancolie, mais ne laisse pas assez de place pour d’autres facettes du « monstre sacré » qu’il est supposé incarner. Pas un mot sur la jeunesse difficile dans les quartiers pauvres de Medellín, rien sur sa montée dans le business de la drogue. À la place, on a droit à toute la gamme de clichés disponibles : fêtes de luxe, amitiés très viriles et une bonne dose de violence et de fusillades.

La même chose vaut pour Pénélope Cruz : sa Virginia Vallejo ressemble plutôt à une bimbo journaliste naïve, qui tombe inexplicablement amoureuse de cet homme pourtant peu attractif physiquement et dangereux dans ses rapports à autrui – à moins qu’elle ne soit attirée par son portefeuille littéralement inépuisable : une piste que le film met d’ailleurs en avant de temps en temps, ce qui n’est probablement pas la meilleure idée au moment où le Tout-Hollywood balance ses porcs à longueur de journée.

Bref, plutôt qu’un biopic réussi, le film de Fernando León de Aranoa est une tentative de se faire du pognon sur le mythe et le cadavre de Pablo Escobar. S’y ajoute que d’un point de vue cinématographique, le cinéaste n’innove pas non plus – une narration claire et compréhensible, une caméra bien frileuse pour les scènes à caractère érotique et pas trop porno sur la violence non plus. Médiocre en somme, ou comme le dirait le « Canard enchaîné » : « Un film qu’on peut ne pas voir. »

Au Kinepolis Kirchberg. Tous les horaires sur le site.

L’évaluation du woxx : O


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