France : Clarification idéologique

La marche triomphale d’Emmanuel Macron – à la présidentielle comme aux législatives – camoufle la crise démocratique que traverse la France. Elle pourrait aussi porter en elle l’espoir à venir.

(Photo: © epa)

C’est une des spécificités du système électoral français : en ayant obtenu à peu près un tiers des suffrages au premier tour des élections législatives, La République en marche, formation politique du président Emmanuel Macron, pourrait obtenir plus de 75 pour cent des sièges à l’Assemblée nationale. Les 32 pour cent obtenus au niveau national par la formation pourraient, à l’issue du second tour, se traduire par 415 à 445 députés sur 577. Si les résultats et les sondages en vue du second tour se confirment, Macron disposerait donc, à partir du soir du 18 juin, d’une majorité très large, lui conférant ainsi le pouvoir nécessaire pour engager rapidement les réformes structurelles qu’il prévoit. Il pourrait même, à la suite des sénatoriales qui auront lieu en septembre, disposer de la majorité dans les deux chambres, nécessaire pour envisager des réformes constitutionnelles. Les pleins pouvoirs, en quelque sorte.

Et ce malgré la grave crise démocratique que traverse la France. Si le président n’a lui été élu que par une minorité – 43,6 pour cent des inscrits sur les listes électorales (woxx 1423) -, le nouveau parlement n’aura que peu de légitimité démocratique : pour la première fois sous la Cinquième République, plus de la moitié des électeurs ont préféré ne pas se déplacer pour le premier tour des législatives. Contrairement à ce que voudraient faire croire bon nombre de grands médias français et internationaux, Macron ne suscite que très peu d’enthousiasme. Point de Macron-mania, mais juste l’aboutissement d’une évolution vieille de bientôt vingt ans, vers ce que le « Monde diplomatique » appelait le « radieux parti unique » en 1995.

Plutôt que le résultat d’un engouement quelconque, la marche triomphale d’Emmanuel Macron est ainsi la conséquence de l’effacement des différences fondamentales entre « gauche » et « droite ». En renonçant au projet de transformation sociale qui était à ses origines pour se plier aux contraintes des marchés, la gauche sociale-démocrate s’est rendue obsolète. Si elle a réussi à maquiller son rapprochement progressif de la droite tant qu’elle n’était pas au pouvoir, notamment à travers des positions « progressistes » sur les questions sociétales, le quinquennat de François Hollande a fait définitivement voler en éclats ce progressisme de façade.

Le PS en a fait les frais, d’abord pendant la présidentielle, puis pendant les législatives, où il n’a pas atteint les dix pour cent. Si la victoire de Benoît Hamon à la primaire de la gauche pouvait susciter des espoirs au sein du « peuple de gauche », le frondeur a payé cher son refus d’aller jusqu’au bout de ce pour quoi il avait gagné : arracher le PS des mains des « sociaux-libéraux » autour de Valls et de Cambadélis. Contrairement à Jeremy Corbyn au Royaume-Uni, Hamon n’a pas daigné couper les ponts avec l’« establishment » de son parti. Contrairement à Jeremy Corbyn, il a lamentablement échoué.

En renonçant à son projet de transformation sociale pour se plier aux contraintes des marchés, la gauche s’est rendue obsolète.

Reste à espérer que la clarification idéologique imposée par la victoire d’Emmanuel Macron porte en elle l’apparition d’une – nouvelle ? – force de transformation sociale, capable d’inspirer un nouveau souffle à la démocratie française, morte, comme nombre d’autres démocraties occidentales avant elle, de l’absence d’un véritable antagonisme. Les cinq années à venir seront longues, surtout au vu de ce que semble réserver, aux classes populaires, mais aussi à la société tout entière, le quinquennat à venir. Mais, on le sait, pour que le nouveau naisse, il faut d’abord que l’ancien meure. Dont acte.


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