BERYL KOLTZ: Flott, flott, flott

Avec son premier long-métrage « Hot, Hot, Hot », la cinéaste luxembourgeoise Beryl Koltz réussit amplement son pari de mettre ses histoires et figures déjantées au profit du cinéma traditionnel.

La chance lui chante enfin…

Ferdinand Fairfax a un problème, ou plutôt il est un problème : il est à lui seul le grand obstacle qui l’empêche de mener une belle vie, ou du moins une existence qu’il considérerait comme normale. Petit, la quarantaine avancée, bourré de complexes – malheureusement pas le président de la France – chauve et puceau de surcroît, sa vie ressemble, comme il l’admet lui-même, « à une traversée des régions polaires, où jamais de la vie il n’aura croisé personne ». Les seuls compagnons d’infortune de Ferdinand sont ses poissons, dont il a la garde dans un grand aquarium du parc d’attractions qui l’emploie. Pas étonnant en soi, puisqu’ils sont en général aussi muets et mystérieux que lui. Mais voilà, une décision administrative du parc va le séparer de ses amis taciturnes. Il sera réaffecté à la zone « wellness » du parc, autrement dit, pour quelqu’un comme lui, qui en plus ne supporte pas la chaleur, il est envoyé directement en enfer.

Ce qu’il ne sait pas encore, c’est que parmi ce délire de corps nus et en sueur, entre ses nouveaux collègues qui sont tous plus fous les uns que les autres et dans son nouveau métier, il va trouver l’occasion de se réinventer. Et pourra enfin trouver une place dans sa vie, qui n’est pas dans son appartement de célibataire endurci où il essaie de noyer sa misère en avalant des quantités énormes d’une mystérieuse limonade bleue.

Que le premier long-métrage de Beryl Koltz soit une fable des temps modernes, ne devrait étonner personne qui connaît un peu le passé de la réalisatrice. Dans ses courts-métrages comme « Starfly », elle avait déjà expérimenté avec un style visuel très coloré, très fantasmagorique et surtout très déjanté. Si « Hot, Hot, Hot » joue apparemment du moins dans notre galaxie, le film reste tout de même décalé aussi bien d’un style documentaire ou d’un film formaté à l’américaine. On a plutôt l’impression que Beryl Koltz rejoint une autre égérie féminine du cinéma indépendant américain : Miranda July. En effet, les deux semblent du moins partager leur amour de l’absurde.

Ce qui frappe dans « Hot, Hot, Hot », c’est le contraste entre les images très pop, technicolor et kitsch et le courage de la réalisatrice à célébrer la nudité et le corps. Car ce ne sont pas des beaux corps hollywoodiens qu’on montre, mais ceux de gens qu’on peut rencontrer chaque jour dans notre quotidien. Sans pour autant tomber dans l’expressionnisme, Koltz célèbre ces corps imparfaits, découvre leur beauté insolite et nous montre la catharsis qui est celle de personnes qui enfin réussissent à se défaire de leurs complexes et se mettent à croquer pleinement la vie.

C’est là probablement où se situe la philosophie personnelle de Beryl Koltz qui est aussi son moteur créatif (voir notre entretien dans le woxx 1118). Ici, c’est le message que ce sont les différences propres à chacun d’entre nous qui nous définissent, et que le plus compliqué, c’est de mettre à profit ces différences et d’en faire quelque chose de beau et d’unique.

Certes, cela sonne un peu gnan-gnan, cul-cul même, mais dans le langage cinématographique de Beryl Koltz, ça donne une histoire très belle et atypique. Seul bémol du film : en faisant le choix de faire jouer des personnages surdessinés, toujours au bord de la caricature, certains caractères manquent de profondeur, surtout le personnage principal, dont on ne comprend les réelles motivations qu’un peu sur le tard. Mais, si c’était le prix à payer pour créer un tel film, ça en valait chaque centime.

A l’Utopolis.


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