LUXLEAKS II: Dirty Business

La communication gouvernementale est désormais mieux rodée. Mais ça ne change rien à l’essentiel : le Luxembourg pratique bel et bien le dumping fiscal.

(©flickr_michael_fleshman)

Trente-cinq nouvelles firmes et une cinquantaine de nouveaux documents. La deuxième partie des Luxleaks n’est certes pas aussi massive que les premières révélations de novembre ; pourtant, elle prouve une chose essentielle : le dumping fiscal est encouragé par tous les membres des « Big Four » – les boîtes de consulting PWC, E&Y, KPMG et Deloitte -, et celles-ci ont bel et bien un ou plusieurs lanceurs d’alerte qui ont transmis ces documents au consortium ICIJ.

La façon dont l’ICIJ a présenté les nouveaux leaks en dit aussi long sur son positionnement politique. Ce n’est pas un hasard si elle met l’accent sur deux des 35 firmes : Disney et Koch. Si pour le groupe de l’oncle Picsou, qui par le truchement d’une banque interne fondée au grand-duché réussit à ne payer que 0,28 pour cent de taxes, la mention peut paraître anecdotique, la mise en avant de Koch Industries l’est moins. Car le groupe Koch, deuxième entreprise à capitaux privés des Etats-Unis, c’est définitivement l’empire du mal. Cette multinationale, qui fait aussi bien dans le fuel que dans le papier ou l’aluminium, est connue outre-Atlantique pour son lobbying politique intense en faveur des républicains, et surtout de leur frange ultraconservatrice, les fous de Dieu et des flingues du Tea Party. Et cela par le biais de plusieurs « think tanks » comme « Americans for Prosperity » ou encore plus directement par le KochPAC, qui finance les campagnes de candidats conservateurs. Lorsque l’on sait que l’ICIJ est plutôt proche des réseaux démocrates, on comprend mieux pourquoi il n’a pu résister à exposer le fait qu’un de ses plus grands ennemis profite du dumping fiscal en Europe, et que celui-ci cache donc des milliards de dollars au fisc américain.

Contraire à l’intégration européenne

Mais revenons au Vieux Continent. Il devient de plus en plus difficile pour les dirigeants luxembourgeois, ainsi que pour le président de la Commission européenne, de nier l’évidence, à savoir qu’ils étaient tous bel et bien au courant de ces pratiques et qu’ils savaient tous qu’elles n’étaient pas casher. Sinon, comment expliquer le changement de ton, où l’on est passé du « tout légal » à « Le Luxembourg convient que la légitimité de certains mécanismes, conformes au droit applicable, peut être remise en question » ?

Essayer sérieusement de mettre fin à ce dumping fiscal, pas seulement au grand-duché, mais aussi en Europe et mieux encore au niveau de l’OCDE, serait la seule façon efficace d’arrêter le jeu des multinationales, pourtant la bataille n’est pas gagnée d’avance. Au contraire, le Parlement européen, qui pour la première fois de son existence a pu jouer un rôle primordial dans le choix du président de la Commission, n’est pas prêt à sacrifier Jean-Claude Juncker. Ce qui fait que d’ores et déjà les possibilités démocratiques pour restreindre le dumping fiscal sont verrouillées. Ainsi, les Verts européens, soutenus par la GUE (gauche), veulent ouvrir une commission d’enquête, alors que les députés du PPE (droite), du S&D (socio-démocrates) et de l’Alde (libéraux) préfèrent produire des rapports sur l’« équité fiscale ». Ce qui fait que l’initiative d’une vraie commission d’enquête n’est soutenue que par 140 sur les 188 députés nécessaires pour franchir la première étape. Une situation tout de même bizarre : alors que l’harmonisation européenne touche à presque tous les aspects du quotidien des Européens, la politique fiscale reste un tabou et donne aux Etats nationaux la priorité par rapport à l’Union européenne.


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