Journalisme : Unité

Depuis mardi dernier, le Luxembourg ne dispose plus que d’un seul syndicat de journalistes, l’Association luxembourgeoise des journalistes professionnels.

Ça y est : on revient donc à une situation qui a existé jusque dans les années 1970. Une première scission vit alors le jour, dictée par des dissensions essentiellement idéologiques. Le CSV, venait d’être écarté du pouvoir politique et le Luxemburger Wort, qui dominait de façon quasi monopolistique l’information quotidienne, s’était muté en machine de propagande où l’un ou l’autre « Luussert » était à l’œuvre. Un quart de siècle plus tard, le rôle dominant d’un autre éditeur fut encore à l’origine d’une nouvelle scission.

L’ironie du sort veut que c’est à nouveau pendant l’(inter ?)-règne d’un gouvernement non CSV que les choses reviennent à la normale : un seul syndicat représentant l’ensemble des membres d’une profession, indépendamment de leur orientation politique ou de leur appartenance à une maison d’édition spécifique.

Il était grand temps, car le journalisme et surtout la profession de journaliste ne sont pas en très bonne forme. Certes, on n’est pas en danger de mort permanent si on exerce la profession de journaliste au Luxembourg, comme cela peut être le cas ailleurs dans le monde – et même en Europe. Mais les conditions matérielles dans lesquelles évolue la profession se sont fortement dégradées ces derniers temps.

Si l’avènement de l’internet et des nouveaux médias sociaux peut paraître comme bénéfique au flux des informations et à la libre expression des opinions les plus diverses, il sape cependant le modèle économique des médias en place, et en premier lieu celui des journaux imprimés.

Longtemps, on a pensé que c’était aux maisons d’édition de trouver une parade, en se diversifiant, en créant des alliances. Mais les abonnements qui s’effritent et les annonces payantes qui n’ont plus leur place dans les différents « plan com » des entreprises et ministères ont créé une sorte de spirale qui tire vers le bas toute une profession. Les revenus que pourraient créer les nouvelles formes de communication ne représentent qu’une infime partie des montants en jeu jusqu’à présent. Montants sur lesquels les grandes multinationales du net s’offrent encore de fortes commissions, imposées à des taux ridiculement bas par nos gouvernements – alors que l’État perçoit 17 pour cent de taxe sur chaque annonce de décès ou offre d’emploi publiée dans nos journaux…

Si l’aide à la presse écrite a pu garantir le maintien d’un certain pluralisme médiatique dans notre pays, elle n’a pas été sans connaître certaines dérives. Mais la concurrence entre maisons d’édition et l’inactivité, voire la naïveté des politiques ont fait qu’aucune réforme structurelle des moyens que notre État met en œuvre n’a vu le jour depuis que les indicateurs sont au rouge – c’est-à-dire depuis plus de dix ans.

Il était grand temps, car la profession de journaliste n’est pas en très bonne forme.

Pire encore, l’actuel gouvernement voulait amputer la presse écrite d’une partie de l’aide qui lui est accordée et l’offrir aux médias « online ». S’il s’est décidé à renoncer à cette approche pour finalement créer une aide additionnelle, il n’a cependant rien entrepris pour trouver une parade aux problèmes de la presse classique.

Le Luxembourg reste aussi un des seuls pays européens sans accès réglementé aux informations ni pour ses citoyen-ne-s ni pour ses journalistes. Ce gouvernement s’avère même moins transparent que l’« État CSV » – voir la réforme du SIP, la « circulaire Bettel » et les briefings inexistants. Il confond constamment communication et journalisme – lequel ne peut pas être complaisant à tout moment.

Avec la fusion des syndicats de journalistes, donc la réunification de celles et ceux qui se trouvent chaque jour sur le front de l’information, on peut espérer que les vrais intérêts de la profession seront enfin mis à l’avant : créer au Luxembourg des conditions qui garantissent à celles et ceux qui s’y investissent par leur force de travail la stabilité et les perspectives nécessaires pour pouvoir s’adonner pleinement à leur profession – indépendamment de leur appartenance à une certaine maison d’édition, de leur obédience politique ou de leur statut d’employé ou de freelance.


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