Laine vilaine : Vent d’ouest ?

Socialiste rime-t-il avec égoïste ? La réaction d’Étienne Schneider à la nouvelle sur Knauf boudant le Luxembourg est ringarde.

(Photo : © geography.org.uk)

Le ministre de l’Économie a tweeté sur l’implantation du fabricant de laine de roche à Illange en commentant : « Et voilà que les émissions de Knauf traverseront la frontière avec le vent d’ouest pour arriver chez nous, mais les emplois, l’impôt commercial, l’impôt sur le revenu et la TVA restent en France (…). »

Le tweet n’est pas parmi les meilleurs de son auteur. Tout d’abord, Illange se situe près de Thionville, et pour apporter au Luxembourg la pollution issue de l’usine, il faudrait non pas un vent d’ouest, mais un vent du sud, beaucoup plus rare. Puis, en rajoutant que cette histoire lui rappelait Ikea, il a cru bon de systématiser l’idée que refuser une activité économique serait forcément idiot. Invitant par là des réactions comme celle-ci (qu’il n’aurait sans doute pas endossée) : « C’était pareil avec Cattenom. Typique. » Accueillons n’importe quoi, même des centrales nucléaires, puisque de toute façon elles seront construites – est-ce vraiment la quintessence de la politique industrielle luxembourgeoise ?

Et pourtant. Faisons abstraction des difficultés d’orientation en Grande Région de Schneider et de son réflexe nationaliste qui le pousse à vouloir garder tous les jobs et tout l’argent pour lui – pour « nous ». Alors, indéniablement, une usine de laine de roche au grand-duché, cela aurait été bien. Que le Luxembourg lui impose des standards élevés en matière environnementale n’aurait pas été une mauvaise chose, tandis qu’en Lorraine, le risque est réel qu’on transige avec les normes pour créer quelques centaines d’emplois. Des emplois – et des revenus fiscaux – qui seront les bienvenus pour le tissu économique exsangue de l’autre côté de la frontière.

Les emplois nous échappent et la pollution nous revient avec le vent d’ouest, a également tweeté Nicolas Buck. Le président de la Fedil, ringard mais pas géographe, relève un troisième aspect de l’affaire, une « image désastreuse de la politique industrielle de notre pays ». Schneider n’a pas insisté sur cet aspect, car ce n’est pas seulement sa concurrente politique Carole Dieschbourg qui a fait dérailler le train de la politique industrielle à l’ancienne. Georges Engel, un camarade de parti, a également tout fait pour empêcher l’installation de Knauf dans la commune de Sanem (Suessem), dont il est le bourgmestre.

Les alignements politiciens dans cette affaire sont paradoxaux à plus d’un titre.

En vérité, les alignements dans cette affaire sont paradoxaux à plus d’un titre : Déi Gréng se sont battus contre une usine qui, a priori, devrait faire partie de la « green economy », puisqu’elle produit un matériau d’isolation thermique très important dans le cadre de la grande transition énergétique. Quant à Schneider et Buck, grands promoteurs de la « croissance qualitative », c’est-à-dire à haute intensité capitalistique, ils ont défendu une installation industrielle finalement assez traditionnelle, générant sa part de nuisances.

Surtout, qu’ils et elles plaident pour une industrialisation hors ou à l’intérieur des frontières grand-ducales, personne ne raisonne vraiment dans une logique grand-régionale. Car en fin de compte, c’est une bonne chose qu’un important matériau de construction soit produit sur place et que des emplois – et peut-être des compétences techniques – viennent bénéficier à la région. Idéalement, les instances politiques ne seraient pas en concurrence, mais partageraient équitablement les fruits de l’essor économique, tout en permettant aux acteurs économiques de recruter la meilleure main-d’œuvre et de trouver le site optimal, à Illange, Sanem ou ailleurs.


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