Lara Almarcegui : Dans les tripes du Casino


Le désormais nouveau Casino s’est adapté à l’air du temps. Un peu comme pour compenser ce qu’il a perdu en surface, ­« Le gypse » – travail in situ – explore les profondeurs qui s’étirent en dessous du bâtiment.

(Photo : Casino Luxembourg / Patty Neu)

(Photo : Casino Luxembourg / Patty Neu)

C’est donc fait. La semaine dernière, les magazines, journaux, radios et la télé en étaient tellement pleins à craquer que même le dernier plouc du grand-duché aura compris que le ­Casino – Forum d’art contemporain a rouvert ses portes après une rénovation – financée en partie par une action de crowdfunding. Mais ce n’est pas le seul élément qui se trouve être dans l’air du temps. Désormais, le rez-de-chaussée héberge un café-restaurant et le hall d’­accueil ­ressemble plus à celui d’une banque qu’à celui d’un lieu d’art contemporain. Le fait qu’un établissement public se retrouve à faire de la restauration pour attirer plus de public et pour remplir ses caisses est tout à fait discutable. Car ainsi, par le biais de l’outsourcing, il fait aussi de la concurrence déloyale aux « vrais » entrepreneurs culturels qui prennent encore des risques. Mais ce n’est pas le seul paradoxe d’une politique culturelle libérale – nous y reviendrons dans un des prochains numéros du woxx.

Sinon, le travail in situ de Lara ­Almarcegui est plutôt bien trouvé et adapté aux circonstances de la réouverture – qui s’est aussi accompagnée de la destruction des « white cubes », les fameux murs en plâtre apposés sur la structure originelle du Casino et qui servaient à encadrer et délimiter les espaces d’exposition. Ainsi, la mise à nu des vieilles structures se miroite dans la gigantesque installation « Le plâtre ». 20 tonnes de plâtre qui ont accompagné le Casino dans ses 20 premières années se retrouvent sous la forme d’un énorme rail de coke dans la grande salle du premier étage. Une salle qui, elle, a presque doublé de volume par rapport à sa taille d’avant les travaux de restauration, sans les clôtures.

Le travail vidéo « Droits miniers » est plus profond, dans le premier sens du terme. Car Almarcegui a vraiment creusé dans les caves du Casino pour y trouver le pendant naturel du plâtre, le gypse. Dans la vidéo, elle documente avec acrimonie toutes les strates qui se trouvent sous le bâtiment. Pour cette opération, elle a dû notamment faire une demande à ­l’Administration de la gestion des eaux du Luxembourg, dont l’accord est épinglé sur les murs de la pièce.

Mais elle est allée plus loin en publiant un petit livre, « Luxembourg souterrain », qui constitue une véritable étude scientifique de ce qui se trouve sous nos pieds chaque jour. L’histoire des sous-sols et leur qualité – « un véritable gruyère » – s’y trouvent détaillées. Ce livre d’artiste pas comme les autres, publié par Maison ­moderne, peut être acheté à la réception du Casino.

Finalement, Lara Almarcegui s’est aussi intéressée au bâtiment lui-même, à ses murs et à ses fondations. Dans « Matériaux de construction du Casino Luxembourg », elle a simplement reproduit de la façon la plus sobre possible les résultats de sa recherche minutieuse sur les matériaux et les quantités de ceux-ci utilisées pour la construction du bâtiment dans lequel se trouve le spectateur – ou consommateur, comme on devra dire dorénavant.

Si elle reste très pragmatique, l’exposition de Lara Almarcegui, dont le travail in situ est d’ailleurs une spécialité tout comme l’exploration des sous-sols (les dessous de Madrid et d’Ivry ont aussi fait l’objet d’expositions), est tout de même appropriée pour honorer le bâtiment disparu quasiment pendant 20 ans derrière les « white cubes ». Elle lui rend un peu sa corporalité et sa matière, en même temps qu’elle inaugure un nouvel épisode dans la vie du Casino. Pour un anniversaire, on a vu pire.

Jusqu’au 4 septembre.

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