Luxleaks : encore une victoire pour PWC

Le procès intenté par Édouard Perrin contre la firme d’audit PricewaterhouseCoopers (PWC) devant le tribunal de grande instance (TGI) de Metz s’est soldé par le déboutement du journaliste – un jugement inattendu qui met en péril le principe de la protection des sources.

Quand, au matin du 28 novembre 2014, des gendarmes accompagnant des huissiers et des techniciens de PWC débarquent au domicile de Raphaël Halet à Viviers en Moselle, peu étaient ceux qui doutaient du bien-fondé de l’ordonnance qui a mené à cette perquisition. Et pourtant : elle ne visait pas uniquement l’employé de PWC qui avait fait passer des documents à Édouard Perrin à la suite des premières révélations Luxleaks – PWC comptait bien démontrer que Halet et Perrin étaient en contact. Une réussite pour la firme d’audit, puisqu’elle a basé une partie non négligeable de ses plaidoiries devant les tribunaux luxembourgeois sur les fruits de cette perquisition. Autant dire que la « nullité de toutes les conséquences attachées à l’exécution de l’ordonnance » aurait mis PWC et la justice luxembourgeoise dans un sacré pétrin, avec ou sans conséquences directes.

La raison pour laquelle Perrin espérait pouvoir rétracter nulle l’ordonnance est simple : en voulant découvrir les liens qu’il entretenait avec Raphaël Halet, PWC et la justice française ont enfreint le principe de la protection des sources, et aucune ordonnance ne peut être signée si elle vise à subvertir ce principe. C’est d’ailleurs ce que disait la première juge du même TGI de Metz qui avait signé l’ordonnance. La présidente du TGI, Patricia Pomonti, avait avoué face caméra dans « Cash Investigation » que « vu les circonstances actuelles », elle aurait supprimé de son ordonnance toute mention qui aurait autorisé PWC à se procurer la correspondance entre le journaliste et le lanceur d’alerte. S’y ajoute l’intervention volontaire du procureur de la République du TGI de Metz en faveur de la rétractation de l’ordonnance, une chose très atypique en référé devant une chambre civile.

Et pourtant, le juge a non seulement débouté Édouard Perrin mais l’a aussi condamné à supporter les frais de justice et à payer une amende de 3.000 euros. Dans l’exposé des motifs de la décision, que le woxx s’est procuré, il estime qu’« Il n’est dès lors pas exact (…) de prétendre (que l’ordonnance) ayant été rendue ‘en vue de révéler que Raphaël Halet, salarié de PWC, était la source du journaliste Édouard Perrin’ ayant permis les révélations Luxleaks, cette dimension étant totalement absente de l’ordonnance au moment où celle-ci a été prise, seules les considérations de détentions illégales d’un certain nombre d’informations non encore divulguées étant au cœur de l’ordonnance ». Plus loin, il ajoute que « pour autant, d’une part Édouard Perrin ne justifie pas de l’intérêt qu’il a à agir à titre personnel trois ans après la mise en œuvre de l’ordonnance querellée alors qu’il est tiers à celle-ci. Il ne justifie pas non plus d’une quelconque habilitation à défendre l’intérêt général ou l’intérêt général des journalistes et ce faisant, n’apporte aucun élément de preuve de la recevabilité de son action ».

Édouard Perrin a déjà signalé qu’il allait faire appel du jugement. Joint par le woxx, l’intéressé n’a pas caché sa consternation : « Le juge avait toutes les cartes en main, il connaissait très bien les enjeux, les déclarations de la première juge et du procureur. Il savait donc que l’intérêt général et la protection des sources étaient sur la table », a-t-il déclaré. Le pire pour Perrin, c’est que le jugement ne reconnaît pas sa qualité de journaliste défendant la protection des sources : « Alors qu’en même temps je suis le président du collectif ‘Informer n’est pas un délit‘ ! » Ainsi, même dans le cas d’un procès qui ne touche pas le cœur de l’affaire Luxleaks, celle-ci reste une affaire à suivre.


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