Marine Le Pen
 : Peut-elle devenir présidente ?

Marine Le Pen peut-elle remporter l’élection présidentielle ? Improbable mais pas impossible, sous certaines conditions.

La prochaine présidente de la République ? (Photos : © Blandine Le Cain)

Le pire peut arriver. C’est la conclusion qu’il faut tirer de l’élection de Donald Trump, le 8 novembre 2016. Contre toute attente et à l’encontre de ce que prédisaient quasiment tous les sondages, les États-Unis ont choisi le milliardaire vociférant, raciste et misogyne plutôt que la représentante de l’establishment démocrate Hillary Clinton. Même, si, il est vrai, cette dernière a récolté deux millions de voix de plus que son adversaire, Trump a su faire usage des aléas du système électoral américain et devenir le 45e président des États-Unis d’Amérique.

Sa victoire a non seulement déclenché un séisme politique d’ampleur, mais elle a aussi – surtout combinée aux résultats tout aussi inattendus du référendum britannique sur le Brexit – ébranlé les certitudes des analystes et commentateurs politiques français. Et si Marine Le Pen réussissait son coup, elle aussi ? Et si, après le Brexit, l’élection présidentielle française portait un nouveau coup, fatal cette fois, au « rêve européen » ?

Le « plafond de verre »

La France n’est pas la Grande-Bretagne ni l’Amérique, c’est sûr, et Marine Le Pen n’est pas Donald Trump. En France, il y a le « front républicain », qui assure jusqu’à présent que les deux grandes familles politiques s’unissent au deuxième tour d’une élection afin d’empêcher le Front national d’accéder au pouvoir. En France, il y a aussi le fameux « plafond de verre », auquel la légende voudrait que le FN se heurte inévitablement. Et puis il y a le précédent de 2002, lors duquel Jacques Chirac avait remporté le second tour de l’élection présidentielle face à Jean-Marie Le Pen avec 82 pour cent des voix. Alors, des progrès électoraux, oui, mais une victoire à l’échelle nationale ? Jamais !

Et il est vrai que lors de la dernière échéance électorale, les élections régionales de décembre 2015, la « vague bleu marine » a pu être évitée, même de justesse : arrivé au deuxième tour dans plusieurs régions, la formation d’extrême droite n’a finalement remporté aucune région, grâce au « front républicain » et au désistement de certains candidats socialistes au profit de candidats de la droite.

Pour l’élection présidentielle, la totalité des sondages publiés jusqu’à présent prévoient un scénario similaire : bien qu’étant quasiment sûre d’arriver au second tour, Marine Le Pen y serait battue quel que soit son adversaire. Si Emmanuel Macron l’affrontait au deuxième tour, comme les sondages l’indiquent pour le moment, elle pourrait être battue avec jusqu’à 60 pour cent des voix pour son adversaire. Si le résultat qui se dessine n’est donc pas aussi clair que celui de 2002, il confirmerait néanmoins l’hypothèse selon lequel le FN se heurterait à un « plafond de verre ».

Or les sondages ne prennent que rarement en compte une autre donnée : l’abstention et l’indécision. À trois semaines du scrutin, et selon un sondage Ipsos pour France Télévisions, seuls 65 pour cent des Français ont l’intention de se déplacer pour voter au premier tour. Ce qui équivaudrait à une abstention record : jamais la participation à un premier tour n’est tombée sous la barre des 70 pour cent. Non seulement les électeurs ne sont pas sûrs d’aller voter, mais ceux qui projettent d’y aller ne sont pas sûrs du tout de leur choix – sauf en ce qui concerne les électeurs de François Fillon et de Marine Le Pen. Ainsi, 4 Français sur 10 disent que leur choix potentiel peut encore changer.

Si la forte adhésion de ses électeurs potentiels à leur candidat n’a rien de surprenant pour Fillon – au plus bas dans les sondages, il ne lui reste que ses soutiens les plus aguerris -, le socle électoral très solide de Le Pen a de quoi inquiéter : 82 pour cent de ses électeurs potentiels disent être sûrs de leur choix. Les électeurs potentiels de Macron, par contre, ne sont sûrs qu’à 50 pour cent de leur choix.

Élue grâce à l’abstention ?

Un élément qui pourrait venir troubler le jeu : en partant d’un hypothétique second tour opposant Le Pen à Macron, l’abstention pourrait jouer en la faveur de la première. Ceux ayant exprimé une intention de vote pour la candidate FN se déplaçant massivement, tandis que ceux ayant exprimé une intention de vote pour Emmanuel Macron ne se mobilisant que relativement peu, Marine Le Pen pourrait devenir présidente malgré le peu d’intentions de vote en sa faveur. Sans parler d’une éventuelle présence au second tour de François Fillon, qui se verrait confronté à davantage de problèmes pour mobiliser les électeurs – et avant tout, ceux de gauche – en sa faveur.

Pour être élu président – ou présidente – de la République, il faut en général entre 16 et 19 millions de voix. Compte tenu du fait que le FN n’a jamais comptabilisé plus de sept millions de voix – son meilleur résultat en termes de voix étant, lors des régionales de 2015, de 6,82 millions de voix -, une victoire du FN continue de sembler peu probable. Mais une abstention record pourrait abaisser considérablement le seuil et ainsi favoriser la victoire d’une candidate somme toute minoritaire.

Pour renforcer ces chances de remporter la plus grande des victoires, le camp de Le Pen tente d’ailleurs depuis des mois de conquérir d’autres secteurs sociétaux que ceux qui lui sont acquis « traditionnellement ». Il s’agit, pour le FN, de construire un récit différent de celui des « partis républicains » contre l’extrême droite : celui du «  camp patriotique » et souverainiste – incluant, par exemple, une partie de la gauche souverainiste -, qui ferait face au « camp mondialiste » et proeuropéen. Un « remake » du référendum de 2005, en quelque sorte, du moins dans la logique du FN. Dans cette optique, Emmanuel Macron est l’adversaire rêvé : ancien banquier d’affaires, proeuropéen, chouchouté par les médias, il incarne à merveille ce « mondialisme » élitiste tant détesté.

2017 verra-t-elle l’accession au pouvoir de Marine Le Pen ? Les chances sont petites, mais elles existent. Il faudrait pour cela que plusieurs éléments jouent en sa faveur et que, pour elle, tout se passe comme prévu. Mais si une victoire de Le Pen reste fortement improbable, elle n’est pas impossible. Après tout, le pire peut toujours arriver.


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