Mathieu Amalric
 : Barbaras russes

Entre le biopic aux allures iconoclastes et le making of, Mathieu Amalric signe un film d’auteur énigmatique, rêveur et poétique à l’image de ses deux muses omniprésentes à l’écran : Barbara et Jeanne Balibar.

Une rêverie faite de confusions, pour mieux se passer des conventions : « Barbara ».

Dans ce septième long métrage de Matieu Amalric, Jeanne Balibar joue le rôle d’une actrice internationale revenue à Paris pour le tournage d’un film sur une des plus grandes voix de la chanson française. Un jeu de miroirs s’interpose dans un labyrinthe féerique où le spectateur perd agréablement pied, car en même temps qu’une œuvre sur Barbara et Jeanne Balibar, le réalisateur propose une réflexion sur le genre cinématographique du biopic.

Ce n’est pas tant la fidélité historique que la transposition du souffle créateur de la dame en noir qui est recherchée ici. La trame narrative navigue entre le passé et le présent d’un film qui se crée sous nos yeux et dans lequel une comédienne joue le rôle d’une actrice devant interpréter Barbara. C’est donc un film sur le film que le réalisateur définira lui-même comme un « bio-utopic » – à l’opposé de l’« anti-biopic » comme l’affirmeront beaucoup de critiques. Cette proposition lui vaudra le « prix de la poésie du cinéma » à Cannes, puis le prix Jean Vigo grâce auquel on a salué une « œuvre d’expérimentateur dont le goût du risque permet de se renouveler à chaque film ».

Le scénario oscille entre répétitions, images d’archives et scènes de concerts pendant lesquels Barbara, à son heure de gloire, comble le public par l’émotion de sa voix. Un travail d’historien sur la vie de Barbara a donc bien été mené, même si l’objectif était de s’en libérer. Le but selon Jeanne Balibar était de faire un « film aussi fou » que Barbara, « un film qui lui ressemble ».

Cette approche anticonformiste, voulue à la fois par Balibar et Amalric, se joue continuellement des codes du genre. De nombreuses mises en abîme font écho au réel : le personnage du metteur en scène est joué par le propre metteur en scène dont le nom (Yves Zand) rappelle étrangement celui de la mère de Mathieu Amalric (Nicole Zand). À un moment donné, ce même metteur en scène devient spectateur, et c’est d’ailleurs là que la voix de Barbara jaillit de la bouche de Jeanne Balibar. Ce sera l’unique chanson où le corps de l’une et la voix chantée de l’autre se rejoignent.

Le film enchâssé dans le film fait surgir un autre temps dans le temps, une actrice dans une chanteuse (ou vice-versa ?) et par moments on finit par se demander qui est qui. Est-ce un film sur Barbara, sur Balibar, sur Mathieu Amalric et son ex-compagne, sur le métier d’acteur, de chanteur ?

Le jeu des acteurs est marqué par l’improvisation tout au long du tournage. Balibar dira d’ailleurs qu’« improviser […] est une injonction paradoxale, c’est le seul devoir que l’on ait, celui d’être libre », c’est une conviction qu’elle partage avec Barbara. Est-ce un film proustien comme le dira l’actrice ? Le metteur en scène est-il à la recherche de Barbara, d’un souvenir d’enfance, de sa « plus belle histoire d’amour » ?

Cette invitation à une rêverie musicale kaléidoscopique est faite en tout cas avec sincérité, émotion et engagement. Des parfums communs aux films dans lesquels sont apparus Mathieu Amalric et Jeanne Balibar ensemble. C’est aussi un film qui invite le spectateur à être actif et à reconstruire ce qui est de l’ordre de l’archive ou de la fiction.

« Barbara », puzzle du septième art, vaut assurément le détour ! Allez donc voir ce chassé-croisé où l’amour pour une femme, la musique et le cinéma nous permettent de confondre rêve, fiction et réalité.

À l’Utopia. Tous les horaires sur le site.

L’évaluation du woxx : XXX


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