Pour le traditionnel concert festif de Pâques à la Philharmonie, le nouveau directeur de l’Orchestre philharmonique du Luxembourg, Gustavo Gimeno, dirigera le « Requiem » de Verdi. Une œuvre fascinante dont il a expliqué le choix au woxx.
Rares sont les compositeurs qui ont su autant que Giuseppe Verdi illustrer le combat inégal entre êtres humains et forces inexorables du destin. Cette opposition éternelle, titanesque parfois dans ses opéras, le compositeur l’a transposée avec bonheur dans cette messe de Requiem, où retentissent les cuivres qui marquent ses morceaux de bravoure les plus connus et où les prouesses vocales des quatre solistes n’ont rien à envier à celles des héroïnes et héros des scènes de théâtre lyrique.
Gustavo Gimeno a le sourire aux lèvres avant de commencer notre entretien : il vient de superviser les essais sonores de positionnement des trompettes hors scène. Déjà immergé dans le « Requiem », il devient d’un coup plus grave lorsqu’il évoque le choix de cette pièce : « Je dois dire que Claudio Abbado reste toujours présent dans mon esprit. J’ai travaillé sur cette pièce avec lui, pour un projet qui ne s’est jamais concrétisé, car il est mort quelques semaines plus tard (en janvier 2014, ndlr). Nous avons discuté de beaucoup de détails et j’ai encore la partition que nous avons annotée. Et puis c’est, pour moi, l’une des œuvres majeures de toute l’histoire de la musique. »
Le chef d’orchestre insiste également sur le fait que Verdi a voulu lui-même écrire cette pièce, en l’honneur de l’immense écrivain italien Alessandro Manzoni : « Personne ne lui a commandé ce ‘Requiem’, il y tenait vraiment. On y retrouve aussi le ‘Libera me’ écrit pour une messe en mémoire de Rossini, avec plusieurs compositeurs, qui finalement n’a jamais été terminée. Incidemment, à propos de Manzoni, j’ai beaucoup travaillé au théâtre qui porte son nom à Milan, avec Claudio Abbado et l’Orchestra Mozart. Il y a donc une somme de coïncidences et de liens musicaux qui m’ont irrémédiablement attiré vers ce ‘Requiem’. »
C’est également la première occasion pour le nouveau directeur musical de l’OPL de monter à la Philharmonie une œuvre symphonique avec un chœur et des chanteurs. Il se dit d’ailleurs comblé par les voix qu’on lui a proposées lorsqu’il a suggéré ce morceau : le chœur du Wiener Singverein, la soprano géorgienne Tamar Iveri, la mezzo-soprano italienne Daniela Barcellona, le ténor albanais Saimir Pigu (lancé par… Claudio Abbado) et la basse russe Ildar Abdrazakov. « Ces interprètes connaissent déjà le ‘Requiem’, je ne pouvais pas rêver mieux. C’est aussi un défi technique de chef très motivant, car il faut assurer en plus de la musicalité un équilibre constant entre toutes ces voix et l’orchestre. »
Comment le maestro se prépare-t-il, en plus de son travail sur la partition ? « J’écoute toutes les versions sans a priori, pas seulement celles d’Abbado ! Et je n’étudie pas que les chefs et les orchestres : dans les enregistrements notamment, j’aime beaucoup analyser les chanteurs, leur respiration, leur phrasé. J’y apprends beaucoup sur la production concrète de l’émotion musicale. »
Même si beaucoup connaissent son « Dies irae » très puissant, le « Requiem » de Verdi est finalement assez peu joué. Avec des interprètes jeunes mais déjà chevronnés et un chef charismatique à la tête de l’OPL, voilà donc l’occasion rêvée de faire connaissance avec une œuvre fascinante et éternelle.