Naomi Kawase 
: Il était une fois la lumière


Avec « Hikari », Naomi Kawase fait le pari de filmer une allégorie poétique sur la lumière. Même si elle ne peut éviter les maladresses, la réalisatrice prouve une nouvelle fois la force de son regard.

Un film qui célèbre la lumière… y compris celle, blafarde, d’un métro la nuit. (Photos : Haut et Court)

Dur labeur que celui d’audiodescriptrice de films. Misako Ozaki en sait quelque chose, elle qui travaille d’arrache-pied à l’écriture des descriptions sonores du nouveau long métrage d’un cinéaste reconnu : une séance est en effet prévue pour des personnes atteintes de déficience visuelle. Misako s’implique énormément, mais les séances de visionnage de son travail donnent lieu à des opinions négatives sévères, quoique poliment exprimées. Alors elle se réfugie hors de la ville, chez sa mère qui perd irrémédiablement la raison, pour trouver dans la lumière du soleil couchant sur la campagne la force de vivre sa vie. Parmi les plus critiques de ses descriptions sonores, Masaya Nakamori, ex-photographe désormais quasi aveugle. Celle qui cherche la lumière va pourtant faire un bout de chemin avec celui qui l’a presque perdue.

Ce qui frappe dans « Hikari », c’est la sérénité avec laquelle Naomi Kawase assume son parti pris : oui, nous sommes dans une allégorie où la recherche de la lumière est une quête quasi mystique ; alors elle scrute les visages en gros plan, elle les baigne dans la clarté ou les en prive délibérément, comme si chaque séquence devait rappeler le sujet du film. Même les plans subjectifs qui montrent comment le photographe Masaya perçoit le monde ne nous sont pas épargnés, pas plus que le réflexe maladif de celui-ci de s’accrocher à un appareil photo dont il ne peut plus se servir. Et pourtant, si certaines critiques y ont vu une lourdeur démonstrative, la magie opère comme dans ces fables où chaque phrase est au fond prévisible, mais que l’on entend encore avec délectation.

À quoi cette réussite tient-elle ? Peut-être à la discrétion relative de la musique d’Ibrahim Maalouf, dont le piano mélancolique n’est pas distillé à trop haute dose et évite par là un excès de sentimentalisme malvenu, défaut courant de certains films japonais occidentalisés. Reconnue internationalement et coproduite par des pays européens, Naomi Kawase ancre toutefois son long métrage dans une tradition japonaise de contemplation que les poètes japonais ont su inscrire dans la pratique du haïku notamment. De « Hikari » se dégage une atmosphère furieusement nippone, au rythme presque zen, malgré les pressions appuyées d’un monde extérieur hyperconnecté et d’une industrie – l’industrie cinématographique –, sans cesse à la recherche de l’innovation.

Le délicat équilibre est aussi assuré par les visages parfaitement choisis des deux interprètes principaux. Ayame Misaki, à la beauté diaphane encore rehaussée par une caméra qui lui prodigue les meilleurs angles, offre un contraste idéal avec Masatoshi Nagase, aux traits burinés et à la barbe toujours naissante. Alors bien sûr, on pourra détecter quelques signes d’une romance un peu à l’eau de rose, de clichés ou d’un symbolisme excessif qui intellectualise le propos. Emportée par son sujet, la cinéaste n’épargne effectivement aucun photon dans les faisceaux lumineux qu’elle déverse sur ses personnages. Mais elle le fait avec une sincérité indéniable, conjuguant sensualité et retenue dans un film qui passe aussi vite que les couleurs chatoyantes des derniers rayons du soleil couchant.

À l’Utopia.
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