Optimisation fiscale : Luxembourg, terre d’accueil

La Commission européenne veut donc que le Luxembourg récupère d’Amazon un pactole de 250 millions d’euros. De quoi accroître l’embarras du grand-duché face à ses pratiques fiscales.

Après Fiat, c’est au tour d’Amazon. Et ce n’est pas une surprise, puisque la commissaire européenne chargée de la politique de la concurrence, la Danoise Margrethe Vestager, l’avait annoncé. Considérant que les conditions de l’implantation d’Amazon au Luxembourg, qui permettaient à l’entreprise d’échapper à trois quarts de l’imposition de ses bénéfices, constituait bien une aide d’État illégale, elle en concluait que « les États membres ne peuvent pas accorder à des groupes multinationaux des avantages fiscaux sélectifs auxquels d’autres sociétés n’ont pas accès ».

Est-ce la fin d’une belle histoire d’amour entre le Luxembourg et la multinationale américaine ? En tout cas, tout avait si bien commencé, quand au début des années 2000 Amazon s’est intéressée au grand-duché. Et cela non seulement pour son climat, mais aussi pour sa fiscalité. Même si Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, le dément toujours, l’ancien « Head of Tax » d’Amazon de l’époque – un bien nommé Bob Comfort – se rappelle très bien de Juncker Jean-Claude premier ministre, qui se serait présenté à lui comme un business partner « qui les aiderait à résoudre leurs problèmes » – comme l’écrivait entre autres le journal anglais « The Guardian » en décembre 2014.

Luxleaks contredit ?

Comment le ministère des Finances va-t-il réagir ? Questionné par le woxx, son porte-parole ne voulait pas aller plus loin que le communiqué paru mercredi (visiblement écrit à l’avance). Le ministère va donc « se pencher sur le cas et prendre une décision ». Difficile de savoir s’il va faire un recours contre la décision européenne, comme cela a été le cas en 2015 avec Fiat. Même si l’argument de l’aide d’État illégale est le même dans les deux cas, le problème du Luxembourg est que – selon le ministère des Finances – l’affaire Fiat est toujours devant le tribunal. C’est donc un jeu risqué, car si la décision de la Cour de justice de l’Union européenne est négative pour le Luxembourg, un recours dans un cas similaire n’aurait pas de sens. Mais si le gouvernement persiste à ne pas vouloir récupérer l’argent d’Amazon, il se pourrait que ce soit lui qui se retrouve traîné devant la justice européenne – comme c’est le cas avec l’Irlande, à cause des 13 milliards qu’elle ne veut pas récupérer d’Apple.

On le voit, c’est tout le contraire d’une situation win-win pour le Luxembourg. Même si depuis les scandales Luxleaks la législation a été changée et adaptée – notamment en ce qui concerne les prix de transfert -, la retenue du ministère des Finances peut avoir plusieurs raisons.

D’un côté, se fâcher avec Amazon serait perdre beaucoup de confiance non seulement de la part de cette entreprise précise, mais de toutes celles que le Luxembourg veut potentiellement attirer sur son territoire dans le but de rester compétitif. De l’autre, cette attitude trahit aussi le fait que le grand-duché ne veut toujours pas se défaire de sa dépendance économique à la place financière. Car accepter les 250 millions d’euros reviendrait à déclarer que les tax rulings dont Amazon a profité sont illégaux. Or cette question a été centrale dans les procès Luxleaks, et a toujours été évitée de justesse par la justice. Donc, ce serait aussi contredire la justice luxembourgeoise qui, faute de statuer l’illégalité, a toujours confirmé la légitimité de ces pratiques fiscales. Finalement, il sera intéressant de voir comment cette injonction européenne impactera la cassation du procès Luxleaks fin novembre.


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