Peinture
 : Dans la vastitude


Au sein des grands espaces immaculés du nouveau centre culturel portugais Camões au Luxembourg, l’exposition « Superstition Wilderness » de Pedro Vaz prend ses aises tout en stimulant l’imagination face à des paysages léchés.

Quatre tableaux en tout et pour tout, auxquels s’ajoutent deux cartes de l’Institut d’études géologiques des États-Unis : un peu court pour une exposition. Il est dès lors difficile d’affirmer que celle-ci exige le déplacement à Merl, mais elle n’en reste pas moins d’un certain intérêt pour qui se trouverait dans les environs. En effet, le sujet des œuvres, leur réalisation et l’espace qui les accueille s’interconnectent pour former un tout plutôt réussi.

« Superstition Wilderness », c’est un projet que Pedro Vaz a commencé pendant une résidence d’artiste à Phoenix. Là, il a souhaité explorer de ses pinceaux les Superstition Mountains, haut lieu des nations autochtones aux États-Unis. On raconte qu’à partir de 1800, des mines d’or y auraient été découvertes et auraient apporté une certaine animation à ces lieux autrement paisibles. Sans pourtant qu’il soit facile de séparer la vérité historique des légendes et des rumeurs.

Sur ce terreau d’anecdotes fertiles à la pratique artistique, Pedro Vaz plaque des toiles à l’acrylique aux tons évidemment ocre, comme le désert brûlant de ces paysages où les êtres humains ne sont que des invités de passage. Sa technique très travaillée, sans pour autant donner dans le réalisme absolu, met en exergue des détails qui semblent quasi photographiques : cactus, nuages, lumière vive ou aplombs rocheux ont l’air de sortir tout droit d’un cliché sépia à peine retouché. Les épisodes tragiques, les fortunes fantasmées sont pourtant complètement absents des tableaux, où trône une nature souveraine et, pourrait-on dire, inviolée.

Pour citer Javier Ramirez dans son introduction à l’exposition, présentée une première fois à la galerie Enrique Guerrero à Mexico, Vaz souhaite s’approcher « d’un passé (…) lointain, dans lequel la séparation entre l’homme et la nature était inexistante ». C’est pourquoi les toiles semblent si naturelles, tout en bénéficiant de tout l’attirail technique de la peinture moderne. Moins qu’une lamentation sur un paradis perdu, Vaz signe un plaidoyer pour une nouvelle contemplation des paysages. Quel que soit leur degré de modification par les activités humaines, ils portent en eux des histoires, réelles ou inventées, qu’il appartient à celles et ceux qui les observent de visualiser à travers les détails observés. Vibrant appel à l’imagination aussi, au fond.

La mise en espace contribue fortement à ce ressenti. Quatre tableaux, on l’a vu, c’est peu. Mais c’est assez sur les vastes murs blancs baignés de lumière du centre culturel portugais Camões, récemment installé dans son nouveau lieu : l’impression d’immensité des paysages s’en trouve confortée. De plus, la touche de réel apportée par les cartes très scientifiques de l’Institut d’études géologiques des États-Unis, qui détaillent les particularités topologiques de la chaîne des Superstition Mountains, permet un basculement permanent entre le réel et le vagabondage de l’esprit auquel incitent les toiles. Un endroit approprié, donc, pour la première de cette exposition en Europe.

Au centre culturel portugais Camões 
(4, pl. Joseph Thorn), jusqu’au 4 juillet.

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