Photographie
 : Transes macabres


La rétrospective que la galerie Clairefontaine consacre en ce moment à Michel Medinger permet de redécouvrir un des grands photographes luxembourgeois – un de ceux qui ont su développer un style et un langage artistique unique.

1366expoLes natures mortes de Michel Medinger sont bien vivantes. Car elles trompent le plus souvent les spectateurs et leurs habitudes de lecture quand ils se retrouvent devant des photographies en noir et blanc qui montrent des objets inanimés. Mais c’est l’arrangement qui donne vie et sens aux œuvres de l’artiste luxembourgeois. Ainsi, les objets photographiés ne sont jamais disposés de façon innocente, ni selon des critères uniquement esthétiques, mais bien de façon à nous parler.

Voire à railler certaines de nos croyances, comme le tableau « Trinité », sur lequel on peut voir un Jésus en bois tenir entre ses mains un flacon de lubrifiant – industriel – sur lequel est marqué « Trois en Un ». Une irrévérence qu’on retrouve aussi dans d’autres travaux exposés à la galerie, mais qui ne résume pas toute l’étendue du travail de Medinger dans son studio.

Ainsi, une part de macabre subsiste et est le plus souvent subtilement sublimée. Ainsi les crânes d’origine animale voire humaine, parfois fleuris, parfois mis en relation avec d’autres objets, sont autant d’occasions d’évoquer le fameux « memento mori ». Le comble étant l’unique autoportrait de l’exposition, montrant l’artiste une faux en main – comme incarnation de la Mort.

Alors que dans certains cas, la condition humaine est clairement évoquée, dans d’autres, l’artiste adresse des propos plus nuancés à son interlocuteur de l’autre côté du miroir. Des mécaniques impliquant des animaux empaillés font repenser à des appareils fantasques du 19e siècle tout autant qu’aux montages de Monty Python – juste sans couleurs.

Le monde des mythes est évoqué à son tour, comme le montre notre illustration : « Emulating Hermes » reconstitue le symbole associé au Dieu grec des voyageurs, des marchands ambulants, mais aussi des brigands. Il s’agit d’une chaussure qui a dû être à la mode il y a quelques décennies, sur laquelle Medinger a monté une paire d’ailes de corbeau. Et de laisser le spectateur décider si cette reconstitution est purement esthétique ou si, à travers les matières choisies, l’artiste ne veut pas lui souffler une vérité sur le Dieu antique.

Finalement, là où on trouve la mort, on trouve aussi le sexe. L’érotisme de Medinger ne s’exprime pas par l’utilisation de nus féminins, mais passe par la représentation de certains objets évoquant le sexe féminin ou masculin.

L’ensemble est complété par une série de portraits d’autochtones datant d’un voyage en Nouvelle-Guinée en 2008, dont on ne voit pas très bien le lien avec les travaux en chambre obscure et ultra-stylisés – si ce n’est peut-être une source d’inspiration que Medinger a traduit par le biais de sa photographie. Tout compte fait, la rétrospective montre un artiste au sommet de son art, mais qui a su rester assez rebelle et révolté pour ne pas se momifier dans les cycles vicieux du business de l’art contemporain. Malgré la gravité des thèmes, la visite de l’exposition est très jouissive – profitez-en donc !

Jusqu’au 16 avril à la galerie Clairefontaine.

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