Place financière : Revirements libéraux

Le DP vient de présenter ses propositions pour la place financière. Il prône dorénavant la finance verte et fustige les niches fiscales.

(Photo : European Parliament/Flickr)

Le ministre des Finances Pierre Gramegna et le porte-parole du groupe politique libéral à la Chambre, André Bauler, ont présenté mardi dernier, lors d’une conférence de presse, les propositions du DP sur la promotion de la place financière, tout en dressant le bilan du gouvernement bleu-rouge-vert en la matière.

D’emblée, Pierre Gramegna a annoncé ne pas vouloir parler d’impôts lors de son exposé. D’abord parce qu’il veut réserver la thématique pour une conférence de presse spécifique en septembre, mais aussi parce que « les régimes fiscaux ne sont plus aussi importants pour les places financières que par le passé ». Le Luxembourg en aurait fait l’expérience douloureuse. « Le recours à des niches fiscales à outrance » ne serait plus accepté aujourd’hui.

Le processus BEPS (Base Erosion and Profit Shifting), lancé par l’OCDE, a contribué à un changement radical des règles du jeu, et des normes contraignantes sont transposées petit à petit à travers le monde – le Luxembourg ne peut plus s’y soustraire.

Parler de paradis fiscal au Luxembourg a été dans le temps un crime de lèse-majesté.

À entendre le ministre des Finances, on pourrait même croire que le Luxembourg a joué un rôle proactif dans ces développements. Or une relecture du programme gouvernemental de 2013 indique bien le contraire : « Le gouvernement insistera sur le besoin d’adoption de normes homogènes par toutes les grandes places financières, [auquel] cas le Luxembourg ne s’opposera pas à une extension du champ d’application de l’échange automatique d’informations. »

Le gouvernement affirmait certes vouloir participer activement aux travaux de l’OCDE, mais aussi que « toute extension du champ d’application de l’échange automatique d’informations devra se faire dans des modalités et selon un calendrier assurant au secteur financier sa stabilité et sa compétitivité internationale ». Le fameux « level playing field », ce terrain de jeu parfaitement plat qui ne favorise ni ne défavorise aucune des équipes en présence, déjà si cher à Luc Frieden, sera aussi évoqué à plusieurs reprises par son successeur.

Rappelons par ailleurs que « l’échange d’informations » a longtemps été vu comme une sorte de compromis permettant d’éviter l’abolition pure et simple du secret bancaire. C’est donc sur cette stratégie, élaborée lors du processus de formation du nouveau gouvernement sous les yeux des gourous de la place financière et en présence d’Alain Kinsch, « country managing partner » chez EY devenu conseiller d’État en 2015, que s’était accordé le gouvernement bleu-rouge-vert. Quant au secret bancaire, il s’agissait – à la limite – d’adapter « la législation (…) afin d’augmenter la sécurité juridique pour les établissements concernés ».

Pourquoi ce retour en arrière ? D’abord pour féliciter Pierre Gramegna d’avoir su changer d’opinion sur le secret bancaire et les niches fiscales en moins d’une législature, en toute discrétion. Mais il faut surtout être reconnaissant à l’actuel ministre des Finances pour la réhabilitation politique de celles et ceux qui par le passé avaient interpellé les gouvernements successifs au sujet d’une trop forte dépendance vis-à-vis d’un secteur financier bâti sur l’utilisation des niches fiscales à outrance.

En effet, déjà à la mi-juin, lors d’un des (rares) briefings gouvernementaux, Pierre Gramegna avait affirmé que les récentes réglementations sur le blanchiment promues par le gouvernement (et votées ce jeudi) étaient parmi les plus ambitieuses de ces dernières années et allaient mettre fin aux dernières niches fiscales existantes.

Parler de niches, voire de paradis fiscal au Luxembourg a été dans le temps un crime de lèse-majesté. Quand Rainer Falk osait estimer que le Luxembourg gagnait avec l’évasion fiscale des pays du Sud plusieurs fois ce qu’il dépensait en aide publique au développement, les organisations commanditaires de l’étude s’étaient vu mettre au ban. Et que demandaient-elles ? La fin du secret bancaire, le « country by country reporting », la lutte contre le blanchiment… en fait tout ce que le gouvernement se félicite d’avoir réalisé de façon proactive. Sauf que l’étude Falk date de… juillet 2009.


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