Retour de Frieden : Frieden 2.0

Le retour médiatique de Luc Frieden, auquel le pouvoir politique semble manquer, n’augure rien de bon : ni pour son parti, ni pour le pays.

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Ah, le bon vieux temps… (Photo : © defense_gov)

29.441, c’est le nombre de voix obtenues par Luc Frieden lors des législatives anticipées d’octobre 2013 dans la circonscription Centre. Sur le plan national, le seul qui l’ait dépassé est son ancien mentor, Jean-Claude Juncker. Au cours de l’année suivante, tous les deux, le grand manitou et son ancien dauphin, ont quitté les bancs de l’opposition. L’un pour la Commission européenne, l’autre pour un poste de Vice Chairman à la Deutsche Bank. On a longtemps spéculé pour savoir si l’ancien ministre des Finances avait accepté ce boulot comme une sorte de placard doré, pour le remercier de ses bons et loyaux services pour la place financière lorsqu’il était aux commandes, ou s’il s’agissait d’un vrai travail. Vu que dans ses heures creuses il a eu le temps d’écrire un livre et de se montrer très présent au grand-duché, il se pourrait que la première option soit plus proche de la vérité.

Mais cela n’a aucune importance en fait. Ce qui importe, par contre, c’est le message qu’il véhicule : le retour à la croissance, l’acceptation de la libre concurrence, la soumission totale de la politique aux lois dictées par les multinationales. Bref, s’il ne l’avait pas encore fait à l’époque où il était encore ministre, Luc Frieden a maintenant gobé l’idéologie néolibérale à la grande louche. Mais il va encore plus loin, en voyant dans cette idéologie la cure des maux de l’Europe – alors que chaque jour que la crise dure il devient plus clair que c’est justement le néolibéralisme à outrance qui a mis l’Europe dans le pétrin. C’est bien cette idéologie qui a provoqué la crise, fait baisser le niveau de vie d’une majorité de citoyens, dopé le retour aux égoïsmes nationaux et nationalistes ainsi que transformé la solidarité européenne en une farce sans nom. Et voilà qu’arrive Frieden pour nous dire qu’il veut combattre le mal européen par exactement ce qui l’a provoqué. On ne sait pas si on doit en rire ou en pleurer.

Mais qu’attendre de quelqu’un qui a troqué son mandat d’élu du peuple – il aurait aussi bien pu rester député jusqu’en 2018 et prendre les rênes de son parti – contre un poste juteux dans une des plus grandes banques d’Europe ? Qui de plus est une des institutions financières les plus sulfureuses de la planète, condamnée à plusieurs reprises à d’énormes réparations, comme dans le scandale Libor récemment. Et comment se fait-il qu’aucun des journalistes luxembourgeois qui ont eu le privilège de s’entretenir avec Frieden sur son bouquin n’ait pensé à lui poser une question sur la crédibilité de son nouvel employeur ?

Si Frieden se porte candidat en 2018, ce n’est pas pour un retour au bon vieux temps, mais pour soumettre définitivement la démocratie à la férule néolibérale.

Ce n’est pas seulement le fait qu’il a abandonné son parti dans la période la plus dure depuis 1974 qui devrait mettre le CSV dans l’embarras, mais aussi l’état dans lequel il revient. Il n’a pas d’idées, mais il est infecté par la soif du pouvoir. Et, pour ce faire, il n’hésite pas – d’ailleurs, il ne s’en cache pas – à se faire le relais entre les demandes des multinationales et des institutions financières et la politique. Soyons clair : si Frieden se porte candidat en 2018, ce n’est pas pour un retour au bon vieux temps, mais pour soumettre définitivement la démocratie à la férule néolibérale.

Et ça, même ses camarades de parti le savent. Et ils connaissent aussi leur point faible : en deux ans d’opposition, ils n’ont pas trouvé de ligne claire pour contrer la coalition au pouvoir, qui pourtant ne manque pas de leur livrer des occasions à foison. C’est dans cette faille que le revenant Frieden veut s’installer. Espérons qu’on ne le laissera pas faire.


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