Sommet climatique à Paris : Efforts inégaux

Le « One Planet Summit » du 12 décembre doit relancer la politique climatique mondiale, surtout du côté financier. Mais la « locomotive » européenne n’est pas prête à aller de l’avant.

« Keep your promises. » Mini-tour Eiffel lors de la COP21 en décembre 2015. (Photos : RK)

« Notre défi aujourd’hui : être à la hauteur de notre destinée commune. Sommes-nous capables de nous unir pour agir concrètement ensemble ? » La question se trouve posée sur le site www.oneplanetsummit.fr, et il est précisé qu’elle « devrait n’être que rhétorique ». Puis vient une promesse : « Le 12 décembre 2017, deux ans jour pour jour après l’accord historique de Paris, nous allons apporter de nouvelles réponses concrètes à cette question. »

L’idée One Planet Summit a été lancée par Emmanuel Macron, qui s’est assuré l’appui de – dans l’ordre – Jim Yong Kim, président du groupe Banque mondiale et Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU. Le nom fait allusion au fait qu’« il n’y a pas de planète B » et que « nous sommes une seule planète ». De nombreux politiciens et politiciennes de haut rang ont été invités, sans qu’on sache pour le moment qui va vraiment être présent. Côté invités et invitées aux tables rondes en tout cas, pas de « star guest » en vue : des politiciens et politiciennes français, deux commissaires européens, une banquière et un banquier de développement ainsi que le ministre de l’Environnement mexicain. N’empêche que, après une COP23 décevante, toute initiative innovante est a priori la bienvenue.

Et pourtant ! Le sommet risquerait d’avoir « un petit air de marché de Noël du greenwashing », écrit Aline Robert dans le journal en ligne Euractiv. Elle pointe notamment du doigt les « side events » organisés par des lobbys patronaux ou financiers. La journaliste s’est vu assurer que le One Planet Summit ne visait pas à « un dialogue de technocrates du climat, on veut des actions concrètes ». On n’y parlera donc pas des scénarios déprimants qui font monter la température de plus de deux degrés, mais on positivera plutôt en imaginant des solutions : « Soyons créatifs et astucieux pour adapter nos systèmes aux changements inévitables et accélérer encore la réduction des émissions de gaz à effet de serre. »

Sommet du greenwashing

En y regardant de plus près, on se rend compte que derrière les vibrants appels se révèlent d’autres desseins : en fait, le 12, « il sera question de la manière dont les acteurs engagés dans la finance publique et privée peuvent innover pour soutenir et accélérer notre lutte commune contre le changement climatique ». Ainsi, deux des quatre tables rondes sont liées directement aux questions de finance verte, tandis que la troisième, sur l’action locale et régionale en faveur du climat, s’y réfère aussi : elle doit promouvoir « une large collaboration entre les secteurs publics et privés » et identifier « des voies de financements innovants pour amplifier les actions climat à l’échelle des villes, États et régions ».

Le gouvernement luxembourgeois devrait être représenté au sommet, puisqu’il a fait de la finance verte un de ses chevaux de bataille. Durant la COP23, Carole Dieschbourg et Pierre Gramegna avaient présenté plusieurs initiatives en la matière. Parmi celles-ci, le « Green for Growth Fund », pour lequel un premier investissement de cinq millions d’euros en Afrique du Nord et au Moyen-Orient vient d’être annoncé. « Nous souhaitons nous positionner comme le centre de la finance verte en Europe », a déclaré Gramegna à Euractiv.

Ce qui fait aussi de Luxembourg et de Paris deux concurrents sur le créneau des opérations financières liées au climat : d’après Aline Robert, « la place de Paris et son lobby Paris Europlace tentent de faire valoir la prééminence de la France sur le sujet, malgré l’effondrement de la place de marché sur le carbone, Bluenext, fermée en 2014 ». Gageons que les sujets abordés à Paris se situeront une fois de plus du côté des énergies renouvelables, où les investissements dégagent des profits, et non du côté des mesures d’adaptation, où on ne sait toujours pas comment financer des mesures qui ne feront qu’atténuer des pertes économiques énormes.

Faible Union européenne

Un des objectifs du sommet est aussi de réaffirmer le leadership européen en matière de politique climatique. Lors de la COP21, une représentation de l’UE bien préparée, l’habile présidence luxembourgeoise de Carole Dieschbourg et la diplomatie française, parmi les plus performantes du monde, avaient collaboré pour obtenir un résultat malgré de grands désaccords. L’accord de Paris était alors considéré par beaucoup comme un nouveau départ, mais aussi bien le retrait des États-Unis que les faiblesses de plus en plus apparentes de l’accord de 2015 freinent l’avènement de politiques empêchant un réchauffement catastrophique.

Surtout, l’image laissée par l’Union européenne lors de la conférence de Bonn a été moins convaincante : on lui a notamment reproché de ne pas encore avoir signé l’amendement de Doha. Il s’agit d’un complément du protocole de Kyoto qui fixe des objectifs pour les pays industrialisés jusqu’en 2020, et sur lequel la Pologne s’est notamment montrée réticente. Le One Planet Summit permettra peut-être à l’UE de renouer avec son statut d’élève modèle, en s’engageant sur Doha et dans le domaine de la finance verte. Ce sera aussi l’occasion de mettre en vitrine les nombreuses initiatives, notamment financières, que l’UE ou certains pays membres ont lancées ces deux dernières années. Car les mérites bien réels de l’Europe ont été occultés par les critiques sur ses points faibles, et, naturellement, par le fait que les débats, lors des conférences, portent sur les désaccords plutôt que sur les avancées.

Hélas, les points faibles concernent des enjeux importants. Ainsi la réforme du système d’échange de quotas d’émissions européen (Emission Trading Scheme, ETS), décidée début novembre, a été critiquée comme trop peu ambitieuse par les ONG. Or, les grandes industries à haute intensité énergétique concernées par l’ETS sont à l’origine d’environ 40 pour cent des émissions de gaz à effet de serre. Un marché carbone avec un prix du CO2 bas, comme cela est le cas depuis la mise en place de l’ETS, ne contribue pas à réduire les émissions au niveau de l’UE.

L’Europe veut-elle vraiment relancer la dynamique mondiale de lutte contre le changement climatique ? Dans ce cas, elle devra revoir son ambition à la hausse : celle d’« au moins 40 pour cent de réduction en 2030 par rapport à 1990 », formulée en 2015, ne suffira pas. En effet, les experts du Climate Action Tracker infligent à l’Union une note insuffisante : l’objectif actuel « n’est pas cohérent avec celui de limiter le réchauffement à 2 degrés, et encore moins avec celui de l’accord de Paris stipulant qu’on reste bien en dessous de 2 degrés, vers 1,5 degré ».

La lune, mais seulement en 2050

Actuellement, le seul point sur lequel l’Union s’apprête à bouger est celui de l’objectif à long terme pour 2050. En 2011, elle avait déclaré viser une diminution des émissions de 80 à 95 pour cent. Mais de nombreux experts estiment désormais que, si on veut limiter le réchauffement à 1,5 degré, les pays industrialisés doivent se fixer comme objectif une décarbonisation complète d’ici 2050. D’après Euractiv, cette idée fait son chemin aussi bien du côté de la Commission que du côté du Parlement européen.

Le hic, c’est qu’un ajustement de l’objectif pour 2050 impliquerait un ajustement de la trajectoire et donc un nouvel objectif intermédiaire pour 2030. Or la révision de cet objectif ne semble pas être à l’ordre du jour. En effet, pour le moment, les institutions se concentrent sur la répartition des 40 pour cent de réduction entre les secteurs et les pays membres. Le 13 octobre, le Conseil des ministres de l’Environnement a adopté une proposition pour cette « Effort Sharing Regulation ». Ainsi, le secteur industriel soumis à l’ETS devra obtenir une réduction de 43 pour cent et les autres secteurs 30 pour cent par rapport à 2005. Il s’agit d’une moyenne sur l’ensemble des pays : le Luxembourg, grand pollueur, devra obtenir 40 pour cent, tandis que pour la Bulgarie on se contentera du statu quo de 2005. Cette proposition sera discutée et négociée avec la Commission et le Parlement. Une proposition incompatible avec l’objectif à long terme, rappelons-le. Cela ne donne pas l’impression qu’une révision de l’objectif 2030 soit sérieusement envisagée.


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