Stephen Frears
 : Détonnant mais pas tonitruant


« Florence Foster Jenkins » dégage un charme suranné, avec ses reconstitutions précises du New York des années 1940. Malheureusement au détriment de l’émotion.

Meryl Streep chante faux avec précision dans un rôle un peu juste pour son talent.

Meryl Streep chante faux avec précision dans un rôle un peu juste pour son talent.

Stephen Frears, le réalisateur du fringuant « My Beautiful Laundrette » (1985) semble s’institutionnaliser depuis quelques années, avec par exemple un « The Queen » (2006) léché mais assez impersonnel, et deux autres biographies filmées coup sur coup pour ses derniers longs métrages. Serait-il en mal d’inspiration originale ? L’année dernière, on avait eu droit à « The Program », biopic sur Lance Armstrong un peu mou. Cette année, le cinéaste s’empare de l’histoire de Florence Foster Jenkins, cette riche chanteuse de peu de talent dont l’indéfectible soutien financier à la communauté musicale lui a permis de sortir ses vocalises criardes sur la scène du prestigieux Carnegie Hall.

C’était pourtant une bonne idée que de confier le rôle-titre à Meryl Streep, dont les talents vocaux sont indéniables, comme on a pu le constater déjà dans plusieurs films. Chanter faux à l’écran, de manière convaincante de surcroît, un défi de plus pour l’actrice américaine qui n’en est pas à un près ? Certes, mais voilà : dans un décor habilement construit, avec des costumes qui respirent l’authenticité, on n’assiste finalement qu’à une reconstitution un peu plate et téléphonée de l’histoire pourtant fascinante de cette diva ratée. Pas à l’aune du talent de la comédienne principale, qui s’en tire cependant plutôt bien.

Dans un ordre chronologique strict, les scènes s’enchaînent depuis le caprice de « Mme Florence » de reprendre des cours de chant jusqu’à l’épisode final du Carnegie Hall. Les fausses notes de la chanteuse constituent l’ingrédient comique obligé, mais peuvent devenir lassantes à la longue. Pour pimenter le tout, on n’a guère droit qu’à un numéro d’équilibriste de Hugh Grant dans de rôle de St. Clair Bayfield. Acteur de théâtre doué mais pas génial, le compagnon officiel de Florence est tiraillé entre son amour platonique pour elle et une passion bien physique pour une autre femme qu’il rejoint à la nuit tombée. Frears aurait pu creuser la part de reconnaissance de Bayfield dans son attachement à Florence, qui lui assure une sécurité financière non négligeable. Il ne le fait que par petites touches, préférant suivre le fil conducteur prévisible du récit qui mènera à la grande représentation finale et à son épilogue dramatique. Comme s’il voulait à tout prix faire un biopic traditionnel, de ceux qu’on regarde avec plaisir et curiosité, mais sans passion particulière.

Pas désagréable, tout ça, bien sûr. Et puis il y a quand même un acteur qui crève l’écran : Simon Helberg, dans le rôle de l’accompagnateur Cosmé McMoon. Tout d’abord, il faut le souligner, il joue lui-même du piano dans le film, et avec un talent véritable qui s’accorde parfaitement avec les fausses notes de Meryl Streep. Il campe aussi un personnage tout en timidité, avec des tics de visage et des expressions proprement ahurissantes, qui en font, il faut bien le dire, l’attraction principale du film. Cela étant, l’ensemble reste toutefois bien sage, si l’on pense à la fantaisie de « Marguerite », de Xavier Giannoli, qui l’année dernière s’était aussi inspiré (certes de façon plus souple) des mêmes faits réels.

« Florence Foster Jenkins » est en somme un long métrage qui ne manque pas de cachet, mais dont l’agréable déroulement fait un téléfilm à regarder confortablement à la maison plutôt qu’une découverte passionnante sur grand écran. « My Beautiful Laundrette », téléfilm à l’origine, avait été jugé suffisamment bon pour sortir au cinéma. En voici exactement l’inverse.

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