Théâtre : La sexualité heureuse

C’est la deuxième pièce de Philippe Blasband montée au grand-duché en quelques mois, après « Nathalie Ribout » en avril au TNL. « Une liaison pornographique », sous la direction de Marja-Leena Junker au Centaure, est un hymne à l’amour… plutôt jouissif.

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Francesco Mormino et Nicole Dogué, un charisme à toute épreuve dans « Une liaison pornographique ». (Photo : Bohumil Kostohryz)

Cet été, le site de rencontres extraconjugales Ashley Madison a été sous le feu des projecteurs, après avoir été victime de pirates informatiques qui ont révélé les données de certains de ses candidats à l’adultère. Un passe-temps qui semble dans l’air du temps. Elle, moins branchée, a choisi les petites annonces pour dénicher l’homme avec qui elle pourra vivre son fantasme. Lequel ? Nous n’en saurons rien, tout comme nous n’apprendrons pas le nom, ni d’ailleurs grand-chose, des deux personnages de la pièce.

Ils se rencontrent dans un bar, puis montent rapidement dans une chambre d’hôtel. Lui d’abord réticent, du moins le laisse-t-il croire. Elle décidée et au fond dominatrice, puisqu’elle a pris l’initiative. Tout cela doit, évidemment, rester purement sexuel. Au fil des rencontres hebdomadaires, qui suivent le même schéma – bar, hôtel -, des liens se tissent cependant. Et puis arrive l’amour, sans crier gare, comme un trublion qui vient enrayer la belle mécanique d’une liaison qui devait se cantonner à de simples parties de jambes en l’air.

Difficile de résumer en quelques lignes les nombreux thèmes que Blasband évoque dans son texte parfaitement maîtrisé. Les monologues, où chacun raconte sa version de l’histoire, montrent l’éternelle incompréhension entre hommes et femmes. Même si les personnages ne se privent pas de se contredire, les dialogues permettent une histoire commune dans laquelle on suit l’évolution des sentiments : les questions personnelles arrivent peu à peu, les révélations affleurent – même s’il ne faut pas s’attendre à des confidences volubiles sur l’oreiller -, les sous-entendus se font plus rares, le discours plus direct.

Cela étant, à la lecture de la pièce, on pourrait ressentir une certaine aridité, une forme parfaite mais intellectualisée. C’est là qu’intervient la formidable mise en scène de Marja-Leena Junker. L’ex-directrice artistique du Centaure a choisi de faire de cette histoire une rencontre marquée du sceau du plaisir et de la joie, exacerbant tous les traits d’humour introduits par Blasband. Sur scène, aucun misérabilisme, aucun caractère sordide à cette rencontre purement sexuelle, mais un enthousiasme et un appétit pour la vie insatiables. Les comédiens Nicole ­Dogué et Francesco Mormino relèvent le défi avec beaucoup d’énergie : bonne humeur constante et communicative pour elle, toujours le sourire aux lèvres ; retenue pudique mais séductrice pour lui, le regard gourmand.

L’ensemble est rythmé comme un acte sexuel. Les préliminaires voient les deux amants expliquer les prémices de leur liaison, avec force jeux de regards. Avant chaque accomplissement hebdomadaire du fantasme inconnu arrivent les pas de danse sur une musique entraînante, qui aboutissent au noir complet sur le canapé sexy en diable imaginé par Christian Klein. Puis, l’amour naissant trouve son paroxysme sur scène dans un orgasme simultané, où l’on voit enfin les deux personnages ensemble dans l’acte d’amour. Et le tout retombe, « post coïtum, animal triste » : c’est alors que doit se décider l’avenir de cette relation, qu’on laissera le public découvrir.

Exploitant habilement toutes les répliques potentiellement comiques du texte, Marja-Leena Junker et ses comédiens emportent le spectateur dans une « feel-good play » qui fait l’apologie de la relation amoureuse et prône – selon le dossier de presse – le « ravissement de la rencontre ». Quitte à en faire un peu trop parfois… mais, franchement, c’est ce qui est bon !

Encore les 23 et 24 octobre à 20 heures et 
le 25 octobre à 18h30 au Théâtre du Centaure.

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