Togo : L’État-anomalie de l’Afrique de l’Ouest

Les diasporas togolaise et panafricaine convient tous les épris de démocratie et d’État de droit à une manifestation publique le samedi 7 octobre 2017 à Luxembourg-ville, au départ de la place de la Gare à partir de 14h, pour soutenir le peuple togolais en lutte contre la dictature qui régente son pays.

Les Togolais investissant les rues de Lomé le 4 octobre 2017 pour dire stop à 50 ans de dictature. (Photo : privée)

Depuis la chute de l’ex-président guinéen Yahya Jammeh et son départ du pouvoir le 21 janvier 2017, le Togo reste le seul pays ouest-africain à n’avoir jamais connu d’alternance depuis plus de 50 ans. Pis, le président togolais est l’actuel président en exercice de la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest alors que le Togo est le seul pays qui refuse de signer le protocole de celle-ci sur la limitation des mandats. Voilà présentée l’anomalie sous-régionale.

La dynastie Eyadéma

Après avoir réalisé le premier coup d’État militaire que l’Afrique subsaharienne ait connu, Gnassingbé Eyadéma, père de l’actuel président du Togo, a dirigé le pays de 1967 à 2005, année de sa disparition.

Le Togo sous Gnassingbé père a connu son lot de troubles sociopolitiques, exacerbés dans les années 1990, juste au lendemain du discours de La Baule prononcé par François Mitterrand. Acculé de toutes parts, le général Eyadéma céda aux pressions populaire et internationale et permit la mise en place d’institutions démocratiques de transition, notamment un poste de premier ministre confié au sortir de la Conférence nationale souveraine à un opposant, et un Haut Conseil de la République, organe législatif, pour ne citer que ceux-là. En octobre 1992, le peuple togolais a, par référendum, plébiscité une Constitution à plus de 97 pour cent. Ce qui devait être le début d’une nouvelle ère pour la nation togolaise devint la source de tous ses malheurs. Cette Constitution, le général Eyadéma ne l’a jamais acceptée ni appliquée.

De l’adoption de la loi fondamentale togolaise en 1992 à son décès le 5 février 2005, Gnassingbé Eyadéma a usé de tous les moyens ou subterfuges pour traficoter, voire dénaturer ladite Constitution pour en faire un texte sur mesure pour la pérennisation de son règne et assurer son legs à sa progéniture. La preuve en est qu’après son règne sans partage, le système militarisé – qu’il a mis en place et qui lui a assuré cette longévité à la tête du pays – a confié le pouvoir à son fils, Faure Gnassingbé, foulant ainsi au pied le peu qui restait de la Constitution.

« Par un coup d’État constitutionnel, le premier du genre en Afrique, le 6 février 2005 puis le 24 février 2005, en une nuit et en catimini total, Faure Gnassingbé est passé du poste de ministre à celui de député, puis à celui de président de l’Assemblée nationale, étant rappelé qu’aux termes de l’article 65 de la Constitution la vacance du pouvoir est assurée par le président de l’Assemblée nationale », peut-on lire sur le site d’information générale afrique.lepoint.fr. L’avion du président de l’Assemblée nationale en fonction, qui rentrait d’urgence de Paris, fut interdit d’atterrir à Lomé et contraint de se poser à Cotonou au Bénin.

Les élections de 2005

Comme son père en son temps, l’héritier s’est vite vu confronté à un torrent de pressions tous azimuts. C’est ainsi qu’il consentit à l’organisation d’une élection en avril 2005 et qu’il gagna « naturellement ». Seulement, le peuple ne l’a pas entendu de cette oreille. Il se déversa dans les rues des villes du Togo au lendemain de ladite élection du fils. Bilan, plus de 500 morts selon les enquêteurs de l’ONU, plus du double selon d’autres sources. C’est ainsi que Faure Gnassingbé arriva au pouvoir dans une mare de sang humain. Même les soutiens étrangers du régime, dont la France, ne pouvaient se permettre de faire quoi que ce soit. La diplomatie internationale prescrit alors aux protagonistes politiques togolais d’aller au dialogue. L’opposition devait laisser Faure Gnassingbé aller au bout de son mandat contre la promesse et l’obligation de celui-ci de mettre en œuvre des réformes constitutionnelles et institutionnelles.

Depuis, on compte plus de 25 initiatives de dialogue organisées au Togo, sans succès, en raison d’une mauvaise foi manifeste du pouvoir en place. Pour les Togolais aussi bien sur le plan national qu’au sein de la diaspora, le crédit du dialogue est épuisé. « Déjà 7 morts, des centaines de blessés… Et Faure Gnassingbé se tait et laisse tuer même des enfants ! » titrait le 28 septembre dernier le site d’information 27avril.com. Les Togolais ont réinvesti les rues depuis le 19 août 2017. La répression barbare des forces de l’ordre togolaises, soutiens inconditionnels du régime depuis toujours, a repris de plus belle. Parmi les morts identifiés pour l’heure, on compte un enfant de neuf ans.

« Retour à la constitution de 1992 ! Droit de vote à la diaspora ! 50 ans de règne ça suffit ! Faure Gnassingbé, libère le plancher ! Le Togo n’est pas une monarchie dynastique ! » – voilà en substance ce qu’on peut lire sur les pancartes ou banderoles des manifestants depuis le mois d’août. Au Togo et dans toutes les grandes villes européennes et américaines, les Togolais donnent de la voix, dénoncent le régime en place et ses pratiques dictatoriales et réclament purement et simplement son départ.

Un appel à l’Europe

Un appel solennel est lancé à l’Union européenne, à travers le gouvernement luxembourgeois, pour qu’elle se rende compte que les raisons de la suspension de sa coopération avec le Togo en 1992 (entre autres déficits démocratiques) sont toujours d’actualité ; elles n’ont guère évolué. Le pouvoir togolais a rusé pour amener l’UE à reprendre la coopération en 2007, mais les dirigeants européens doivent se rendre compte du vrai visage du régime togolais et aviser. Les Togolais invitent l’Union à peser de tout son poids pour que Faure Gnassingbé et son système arrêtent les répressions sanglantes et respectent la volonté du peuple. La Constitution de 1992 est l’expression explicite de la volonté des Togolais ; ils n’aspirent qu’à son application, ce qui n’a jamais été le cas jusqu’ici.


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