Twinerg, climat, politique : Le marché l’emportera !

L’électricité produite à partir du gaz est plus chère que celle provenant du charbon ou du nucléaire. La logique du marché oblige à fermer la Twinerg. Et alors ?

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(Photo : Wikimedia Mananshah1008 CC-BY-SA 3.0)

Parfois, je rencontre des personnes optimistes en ce qui concerne le réchauffement climatique. Elles m’expliquent que malgré les insuffisances des politiques menées, la baisse du coût des énergies renouvelables mettra fin à la folie fossile. Il n’y a qu’à établir le bon cadre réglementaire, et le marché nous sauvera. Et d’ailleurs, renchérissent-elles, les doutes sur l’avenir des énergies fossiles conduiront les investisseurs à délaisser ce secteur, ce qui accélérera encore le mouvement. De même, le problème de l’énergie nucléaire se réglera tout seul, puisque d’un point de vue économique ce type de production n’est pas rentable. J’écoute, et j’observe.

La fermeture définitive de la centrale gaz-vapeur Twinerg à Esch vient d’être annoncée. Ce n’est pas son niveau de performance technique qui est en cause – elle n’est simplement pas concurrentielle par rapport à des centrales nucléaires et au charbon vétustes, mais dont le coût de construction est amorti. La Belgique, qui avait eu recours à la Twinerg pour sa réserve stratégique, a décidé de fonder sa sécurité d’approvisionnement sur la prolongation de la durée de vie des réacteurs de Tihange et de Doel. En Allemagne, on continue à miser sur le charbon. Cela n’est pas incompatible avec le fait que de nombreux consommateurs reçoivent de l’énergie verte : leurs fournisseurs achètent de l’énergie « sale », puis la transforment en achetant des certificats d’origine verts librement négociables… pour lesquels il existe un marché européen.

Une sortie « accélérée » du charbon allemand – à l’horizon 2045 – représenterait un surcoût de 72 milliards d’euros selon une étude de l’université de Cologne. Le gaz naturel, qu’on substituerait au charbon, coûte en effet plus cher par kilowatt produit, sans parler du coût de construction des centrales à gaz. Résumons : le marché européen de l’électricité conduit à démanteler la Twinerg, qu’on devra reconstruire si on décide un jour de sauver le climat pour de bon.

Qu’il n’y ait pas malentendu : la Twinerg, contestée notamment par Greenpeace lors de sa construction comme surdimensionnée, n’était pas la panacée pour approvisionner le Luxembourg en électricité. Plus généralement, le gaz naturel comme source d’énergie pose de nombreux problèmes : sa combustion émet du CO2, son usage est promu par les champions du fracking et les gouvernements des pays auxquels on l’achète sont souvent peu recommandables. Mais il représente une technologie de transition importante pour la production d’électricité, la locomotion et le chauffage. Mis à part ce dernier usage cependant, les prix de marché du charbon, de l’uranium et du pétrole entravent son développement.

« Malgré les insuffisances des politiques, le coût des énergies renouvelables baissera et le marché nous sauvera. »

Certes, si les prix des carburants intégraient le coût climatique, si la « bourse au carbone » pour les industries européennes fonctionnait correctement, cela rendrait plus attractifs gaz naturel et énergies renouvelables. Or la « bourse au carbone » – un des mécanismes de marché les mieux pensés au départ – a lamentablement échoué à produire les résultats désirés. Aujourd’hui, les négociations sur une énième réforme sont bloquées… et aboutiront une fois de plus à un compromis dont les failles seront exploitées par les grands groupes.

Alors, en route vers le désastre ! En 2023, la COP29 constatera qu’un réchauffement de deux degrés est devenu inévitable, mais que les mécanismes de marché permettront de limiter les dégâts. Ceux dont les îles et les villes sont menacées par la montée des eaux auront été doublement bernés. En effet, en plus du financement des énergies vertes, on a aussi laissé celui des mesures d’adaptation aux bons soins des marchés de capitaux… et personne n’a voulu investir à fonds perdu. Qu’on me traite d’idéologue, mais le marché, j’y crois plus.


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