Vinification : Régal sans remords

Boire du vin semble souvent rimer avec maux de tête. Est-ce naturel ? Ou bien la raison est-elle à chercher dans des substances commes les histamines ou les sulfites ?

Maux de tête après consommation de vin ? L’histamine peut en être la cause. (Photo : © Wikicommons)

Ah, le bon vin! On en boirait volontiers davantage, si on n‘avait pas trop souvent, après une soirée arrosée, fait connaissance avec la gueule de bois du lendemain. Et de plus en plus de gens se plaignent de maux de tête et d’autres effets secondaires même après une consommation modérée de vin.

Parmi les trois rabat-joie qui gâchent le plaisir, on compte généralement les histamines, les sulfites et … l‘alcool. De fait, si certaines personnes réagissent effectivement par des nausées ou vomissements, des maux de tête ou bien par des rougeurs de la peau ou des démangeaisons, c’est souvent l’intolérance à l’éthanol qui est en jeu. Sort terrible pour les fans de vin, car l’unique remède est de boire moins ou pas du tout. Pour les deux premiers produits, l’histoire est plus compliquée, mais également prometteuse de solutions.

Histamines : cocktails néfastes

Les histamines sont contenues naturellement dans un certain nombre de produits alimentaires fermentés, comme la bière, le fromage ou le vin rouge, ou encore les poissons pas assez frais ou les saucisses fumées. Ainsi, des cocktails comme « pizza et vin rouge » peuvent être néfastes pour les personnes concernées. Ce qui complique davantage les choses, c’est qu’avec les histamines notamment, les réactions observées peuvent être sensiblement les mêmes que pour l’intolérance à l’alcool. Le rôle des histamines dans la réaction allergique au vin n’est donc établi que si la consommation d’autres aliments contenant des histamines pose également problème. L’intolérance aux histamines peut être innée, acquise par des maladies de l’intestin comme le Morbus Crohn, provoquée par des médicaments ou tout simplement par la consommation de produits riches en histamines ou libérant les histamines comme le vin, l’alcool en général ou le fromage.

Le remède ? À part l’abstention, on peut préférer le vin blanc, qui a en principe une teneur moindre en histamines. Même si les nouvelles tendances à le vinifier selon les méthodes appliquées au vin rouge, en utilisant également les peaux, pourraient changer la donne. Pourtant des vins – blancs ou rouges – à faible teneur en histamines existent aujourd’hui. Pour les produire, on mise sur la qualité des raisins, ainsi que sur un traitement, une conservation et une fermentation des plus courts.

En Europe, ce sont surtout les maisons de production allemandes et autrichiennes qui proposent maintenant de tels vins, tandis qu’en France par exemple, l’offre reste encore réduite. L’indication « sans histamines » ou « pauvre en histamines » sur l’étiquette est par ailleurs prohibée depuis 2015 par la régulation européenne, puisqu’elle pourrait être comprise comme « allégation à la santé », ce qui est interdit pour des boissons d’un pourcentage volumétrique de plus de 1,2%. Voilà pourquoi on utilise le terme « histamin-geprüft », donc à teneur histaminique « contrôlée ».

Sulfites à réputation sulfureuse

Alors que l’effet des histamines sur le bien-être physique est démontré, celui des sulfites dans le vin est beaucoup plus controversé. À côté des sulfites naturellement présents dans le vin, on lui en rajoute également : aussi bien dans le vignoble, où le soufre réduit le risque de maladies, que pour désinfecter les barriques, ou pendant la vinification, en raison de ses effets antioxydants et stabilisants.

On assiste en ce moment à une véritable polémique entre les adeptes, représentant pour la plupart les grands domaines et plus généralement la production traditionnelle, et les adversaires, souvent issus des milieux environnementaux ou de la protection de la santé. Premier argument en faveur des sulfites : leur contribution à une qualité constante et fiable du vin. Des vins traités aux sulfites se conservant mieux, et l’usage systématique des sulfites a contribué à l’industrialisation de la production de vin. Mais ce « produit miracle » a souvent été ajouté dans des quantités énormes, si bien que les premières restrictions ont été décrétées très tôt déjà. Depuis 2005, les vins qui contiennent plus de 10 mg de soufre par litre, c’est-à-dire presque la totalité, doivent porter la précision « Contient des sulfites » sur leur étiquette. Avec cette directive, l’Union européenne a suivi les États-Unis encore plus stricts, le taux correspondant y étant fixé à 1 mg/l. Jusqu’ici cependant, on se contente de cette indication, évitant d’imposer des informations plus précises sur les taux de sulfite.

Deuxième argument : les sulfites ont été utilisés depuis des siècles sans faire le malheur de personne – ce qui reste à démontrer : l’Organisation mondiale de la Santé recommande un maximum de 0,7 mg/kg de poids, un plafond qui peut être atteint aisément en buvant un ou deux verres de vin conventionnel, et largement dépassé en grignotant en même temps des noix ou des fruits secs traités aux sulfites. Contrairement aux histamines, les sulfites se trouvent plutôt dans le vin blanc que dans le vin rouge. Et ce sont les vins doux et les mousseux dont la teneur en sulfites est la plus élevée. À nouveau, certaines personnes peuvent présenter une intolérance aux sulfites, en réagissant par des maux de tête, des nausées et vomissements. Par contre, il existe également une véritable allergie aux sulfites, qui peut devenir dangereuse surtout pour les asthmatiques.

Ceci n’est pas un test de la vue : précision concernant les sulfites sur une bouteille de vin. (Photo : rw)

Alors, faut-il se résigner à boire du vin aux sulfites ou sinon à s’abstenir ? Non, car la production de vins à teneur réduite en sulfites est en train de se développer. Pour l’instant encore, ces vins restent plus fragiles et plus exposés au risque de tourner, ils se caractérisent aussi par une plus grande variation de goût entre les bouteilles. Si les vins bios présentent déjà des taux moins élevés en sulfites, ce sont les vins dits « naturels » qui sont les moins chargés.

Dans ce domaine, c’est plutôt la France qui a joué le rôle de pionnière : ainsi, le grand producteur Gérard Bertrand propose depuis plusieurs années des vins sans sulfites, vendus notamment par la chaîne « Delhaize ». Le distributeur « Vinsdivins » propose également des vins naturels, c’est-à-dire aussi bien bios que sans sulfites. Côté restaurants et bistrots, l’offre est par contre limitée. Le « Vins fins » au Stadtgrund est un des rares endroits où l’on en sert. Et la production au Luxembourg ? Jusqu’ici, le domaine « Rita & Laurent Kox » semble être le seul à proposer des vins sans ajout de sulfites, même s’ils ne sont pas bio. Le savoir-faire étant un facteur important dans la quête de vins les plus « purs » possibles, ce n’est pas un hasard si cette maison spécialiste de l’expérimentation prend le devant.

Moulins européens

Le progrès technologique et la maîtrise du processus de production sont des facteurs importants dans cette quête. Il est tout à fait envisageable que pour cette raison, les taux de sulfites dans les vins classiques pourraient baisser dans les prochaines décennies. Cela n’implique pas nécessairement qu’ils soient libres d’autres ajouts : mis à part les sulfites, l’indication d’additifs dans le vin n’est pas imposée par l’Union. Un blog en faveur du vin naturel décrit la situation ainsi : « No one is declaring sulphite levels on the bottle and that’s where the problem is. Have you noticed there is no such thing as an ingredients list on the wine bottle? That is because conventional winemakers do not want to admit that they might have used up to 50 additives (colourants, sugars, preservatives and so on) allowed by EU. »

Les additifs ont-ils donc encore de beaux jours devant eux ? Pas certain : les moulins européens tournent lentement, mais ils tournent. Il y a un an, la Commission a publié un rapport « on the mandatory labelling of the list of ingredients and the nutrition declaration of alcoholic beverages ». Ensuite, on s’est mis d’accord avec le secteur concerné sur l’indication tout court des produits non naturels. Et il y a quelques semaines, l’industrie européenne du vin a mis sur orbite une « annexe détaillée » à la proposition d’auto-régulation émise suite au rapport de la Commission.

L’annexe contient deux propositions concrètes : l’indication de la valeur moyenne énergétique de la catégorie de vin concernée ainsi que des additifs, selon une liste définie par le secteur lui-même. Cependant, celui-ci refuse d’y intégrer les produits considérés comme auxiliaires technologiques dans le processus de production ainsi que les substances « naturelles » – comme certains acides ou le moût concentré et les sucres. Par contre, il admet l’indication de certaines substances additives, sur Internet ou sur l’étiquette, pour un vin donné ou bien pour la production d’une sorte de vin ou pour le processus de vinification entier au cours de deux années : il s’ajouterait aux sulfites les agents stabilisateurs ainsi que le caramel. Les allergènes reconnus, eux, devraient être mentionnés d’office sur les étiquettes. Le processus sera évalué dans les prochaines années, des projets de lecture par barcode et GSM de l’information sur les ingrédients sont en cours. Pas d’indication de taux précise en vue donc, mais peut-être le début d’une politique d’information une goutte plus sérieuse.

Sources :
ec.europa.eu/food/safety/labelling_nutrition/labelling_legislation/alcohol_enwww.lebensmittellexikon.de/s0004420.php#5

organicwineclub.co.uk/blogs/news/7-myths-of-natural-wines-with-no-added-sulphites

Steneberg, Andreas : Biogene Amine – Ernährung bei Intoleranz. In : Umwelt & Gesundheit, 2007, n° 2, p. 47-56.
Sulfites : dico-du-vin.com/sulfites-les-sulfite-vinification
www.domaene-wachau.at/uploads/media/Wein.pur_Natural_Wines_Artikel.pdf

www.lebensmittellexikon.de/s0004420.php#5

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