Art naïf
 : De la poésie 
au dessin… 
et retour


Les dessins de Gisèle Prassinos exposés à la galerie Simoncini sont autant de poèmes visuels qui font entrer images et textes en symbiose. Le surréalisme et l’humour ne sont jamais bien loin dans ces œuvres attachantes.

(Illustrations : CNL/fonds Gisèle Prassinos)

On connaît les liens étroits qu’entretient la galerie Simoncini avec la littérature en général et la poésie en particulier. Pas plus tard que l’année dernière, sous l’impulsion d’André Simoncini, lui-même poète, elle avait organisé une exposition qui combinait les textes de Pierre Joris et les œuvres plastiques de Nicole Peyrafitte. Quelques mois après, la voilà qui récidive en proposant de nombreux dessins originaux de Gisèle Prassinos, réalisés entre 2003 et 2006 alors que celle-ci était âgée de plus de 80 ans.

Connue au Luxembourg dans le milieu littéraire notamment pour son amitié indéfectible avec la poétesse José Ensch, l’autrice française d’origine grecque a vu ses premiers poèmes, composés à l’âge de 14 ans, susciter l’admiration des surréalistes André Breton et Paul Éluard. Avec une quarantaine de livres publiés, entre recueils de poésie, nouvelles et romans, on pourrait croire qu’elle a tenu la plume sans discontinuer jusqu’à sa disparition en 2015. Mais les dessins exposés rue Notre-Dame correspondent en fait à une période d’intense activité picturale à la suite d’une interruption de l’écriture – en tout cas de l’écriture comme moyen d’expression principal, puisque beaucoup des œuvres présentées sont légendées.

Puisés dans le fonds José Ensch du Centre national de littérature et dans le fonds Gisèle Prassinos géré par la nièce de l’autrice, les dessins relèvent de l’art naïf. Le goût de Gisèle Prassinos pour le surréalisme s’y retrouve fortement tant dans le choix des textes qui les accompagnent que dans la méthode. Ainsi, ce « Dessin automatique à toute vitesse », malheureusement pas exposé mais visible dans le beau catalogue, rappelle bien entendu le processus d’écriture automatique ; cette danseuse sans pieds qui fait le poirier nous prévient : « Je n’ai jamais eu de pieds, mais dès l’âge le plus tendre, un professeur de gymnastique m’a appris à marcher sur les mains. » Dans ses dessins, l’artiste nous invite à une promenade sur les chemins de traverse de son imagination fertile, loin des petites routines du quotidien. Un univers personnel dont la variété des thèmes est étonnante.

Espiègle, Gisèle Prassinos sait également comment faire venir le sourire aux lèvres. En témoigne par exemple ce dessin d’une jeune femme au ventre proéminent : « Quand on veut avoir un petit bébé, il n’y a qu’à se mettre plein de chiffons dans sa culotte. C’est ce que j’ai fait. J’attends. Ça s’appelle être ‘enceintre’. » Mais elle ne néglige pas pour autant l’émotion ; sous ce portrait familial somme toute assez sobre par rapport à l’excès de détails foisonnants de la plupart des dessins, cette légende : « Maman est morte avant nous… Nous ne l’avons jamais vue. Alors nous avons dessiné notre portrait à trois, pour nous faire exister… ensemble… »

Nul besoin d’une solide culture en histoire de l’art ou en littérature pour interpréter les œuvres avant de les apprécier : elles savent parler directement aux sens. La diversité des thèmes et le contrepoint intelligent – parfois amusant, parfois émouvant – des légendes font de ces dessins d’art naïf de petits instantanés délectables qui permettent d’allier, sous l’influence perceptible du surréalisme, art plastique et lettres. Une bien belle occasion de se distraire en se cultivant. En complément à cette exposition en tous points passionnante, la galerie propose à l’étage des tableaux du peintre non figuratif Mario Prassinos, frère de Gisèle Prassinos.

À la galerie Simoncini, jusqu’au 17 juillet.

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