Dans les salles : Adults in the Room

« Adults in The Room », le film de Costa-Gavras sur la crise de la dette grecque, plaira aux publics conquis d’avance. Mais ne convaincra probablement pas les autres.

Sûrement pas l’adulte dans la pièce : Ulrich Tukur incarne non seulement Schäuble, mais aussi l’arrogance allemande au niveau européen. (Photo : Wild Bunch)

Enfin un film qu’on ne peut pas spoiler en tant que critique ! Comme chacun-e le sait, la tentative du gouvernement de gauche radicale hellène de sortir le pays de l’austérité imposée par la troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international) a été un échec. Les fondements idéologiques de l’Europe ne permettent pas de créativité, ni ne tolèrent les appels à la solidarité.

Basé sur le livre éponyme de Yanis Varoufakis, qui raconte ce qui s’est passé en coulisses à Bruxelles quand il était l’éphémère ministre grec des Finances, « Adults in The Room » est un film qui va cliver son audience. Caricatural pour les un-e-s ou description inédite pour les autres des mécanismes d’un lieu de culte néolibéral – aussi appelé Bruxelles. Et pourtant, dire que le film est purement militant n’est pas suffisant si l’on veut le voir sous le premier prisme.

Car dès le début, Costa-Gavras montre un Varoufakis prêt à compromettre le programme radical sur lequel Syriza a gagné les élections : « Les promesses c’est une chose, la réalité en est une autre », admet-il à un ami juste après la victoire. Et dans les couloirs de l’Eurogroupe, il n’essaie pas de monter des barricades en feu, mais se dit prêt à des compromis avec les créanciers, leur promettant même de repayer toute la dette. À une condition pourtant : une fois celle-ci restructurée, l’économie grecque peut respirer un peu pour se remettre en marche afin de revoir la croissance et surtout, le MoU (Memorandum of Understanding) signé par l’ancien gouvernement conservateur (et corrompu, qui a mis le pays dans le pétrin) est renégocié.

C’est sur ce document que les efforts de Varoufakis se concentrent, et c’est à propos de celui-ci que ses adversaires font tout pour l’achever. Avant tout le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble (joué par un Ulrich Tukur en très grande forme), qui a les ressorts nécessaires pour diriger des intrigues de cour contre celui qui incarne non seulement l’espoir de la population grecque, mais aussi de toute la gauche européenne et internationale, de faire bouger les lignes du diktat néolibéral.

Photo : Jessica Forde

Et comme on le sait, c’est peine perdue. Les couteaux plantés dans le dos de Varoufakis commencent à atteindre son premier ministre Alexis Tsipras. Qui malgré les promesses et les serments de fidélité va devoir le lâcher, aussi parce que son propre gouvernement veut signer le mémorandum afin d’avancer. Vers où, on le sait maintenant aussi – vu que la droite est de retour en Grèce et que la chance que le pays avait de se débarrasser des oligarques et de leurs privilèges n’a pas été utilisée.

Faut-il féliciter Costa-Gavras pour ce film ultrapolitisé ? Les critiques lui reprochent d’avoir uniquement pris le point de vue de Varoufakis, et donc de ne pas avoir délivré un produit équilibré. Ce à quoi on pourrait répondre qu’il se base sur le livre de ce dernier (qui lui se base sur les enregistrements faits de toutes les conversations que Varoufakis a eues), et non sur les affirmations des spin doctors de l’Union européenne. Le cinéaste assume son choix de ne montrer qu’une partie de l’histoire – et ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’il se voit exposé à un tel reproche dans sa longue carrière.

En tout cas, pour celles et ceux qui veulent (re)plonger dans le déni démocratique qu’a été le comportement de l’Union européenne pendant la crise grecque et qui veulent savoir d’où vient l’euroscepticisme, allez-y. Pour les autres, prévoyez du moins de l’aspirine !

À l’Utopia. Tous les horaires sur le site.

L’évaluation du woxx : XX


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