Dans les salles : De Buttek

Avec « De Buttek », Luc Feit signe un objet cinématographique de proximité, où la langue et le terroir luxembourgeois croisent l’improvisation et un certain surréalisme. Un film pas toujours facile à suivre, mais qui affiche beaucoup de sincérité.

Dernier repas ? La traditionnelle fête de Noël va déchaîner les jalousies et les passions. (Photos : Samsa Film/Artémis Productions)

La traditionnelle fête de Noël de la société Alter Native, où se retrouvent chaque année les gérantes et gérants des magasins, est organisée dans un charmant hôtel du nord du grand-duché bordé par la Sûre. Änder, le patron sexagénaire, a également convié son fils naturel… dont il vient juste d’apprendre l’existence. C’est qu’il a une nouvelle importante à annoncer : gravement malade, il va devoir passer la main dès l’année suivante. Cette fête d’entreprise sera par conséquent l’occasion de désigner celle ou celui qui lui succédera.

Sur cette idée de départ, le réalisateur Luc Feit a concocté – avec l’aide de Guy Helminger – un scénario destiné à laisser une grande place à l’improvisation. Comme pour souligner que la créativité des comédiennes et comédiens est essentielle dans la conduite du film et des dialogues, leurs prénoms et ceux de leurs personnages se confondent. Nous voici donc clairement devant un « private joke » luxembourgeois en forme de clin d’œil appuyé au public, dans la plus pure tradition du cinéma de proximité. Et ça marche, à en croire les remarques qui fusent dans la salle lors de la projection : on chuchote une anecdote sur tel acteur, on s’interroge sur cet hôtel idyllique et sa localisation… L’effet fonctionne à plein, et pourquoi pas ? L’ensemble est plutôt bien filmé et bien joué, et la complicité de la distribution permet de mieux goûter l’humour de ces retrouvailles annuelles qui se transforment en compétition pour la reprise de la société.

Timides, extravertis, faux-cul, empathiques ou machiavéliques, mais où nous mènent donc ces personnages typés dans une sympathique galerie de portraits ? C’est en quelque sorte la faiblesse du film : celui-ci démarre sur les chapeaux de roues jusqu’à une scène de karaoké mémorable, pour ensuite s’installer dans une sorte de surréalisme qui tranche un peu trop avec le postulat initial. Les histoires enfouies, les petites jalousies, les grandes frustrations des protagonistes semblent être délaissées au profit de séquences plus disparates, moins liées. Le film est certes coproduit par la Belgique, patrie du surréalisme s’il en est, mais on a l’impression que le scénario n’arrive pas à conclure ce qu’il a commencé. À la fin demeure le sentiment de n’avoir pas forcément bien compris le but de l’entreprise.

Comme pour s’en excuser, le réalisateur Luc Feit intervient avant le générique final pour affirmer, avec une conviction quasi feinte, que lui a tout compris. Et cela au bord de la Sûre, qui au fil des scènes a reçu dans ses eaux de la paperasse, des décorations de Noël, des mégots, bref, tout ce dont les protagonistes ont voulu se débarrasser – sans compter une nageuse courageuse en plein décembre. On ne peut s’empêcher de voir dans cette pollution cinématographique en forme de comique de répétition une métaphore de l’aspect fourre-tout que le film revêt à partir d’un certain point.

Cela étant posé, les performances complices des comédiennes et des comédiens sont un régal, entre compassion hypocrite et enthousiasme lié à la culture d’entreprise. « De Buttek » propose à son audience grand-ducale un frisson de plaisir local qu’on ne saurait refuser sur grand écran, dans un joyeux mélange de luxembourgeois, allemand, anglais et français. Cela ne suffira probablement pas pour assurer un succès à l’étranger, mais après tout, il n’y a rien de mal à se faire du bien avec la culture de proximité.

Dans la plupart des salles. Tous les horaires sur le site.

L’évaluation du woxx : XX


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