Dans les salles : High Life

Dans « High Life », la réalisatrice Claire Denis imagine le dernier espoir de l’humanité dans un trou noir. Un film ambitieux, mais qui s’égare trop souvent pour tenir la route.

Bébé à bord… pour très, très longtemps.

Quand c’est foutu, c’est foutu : dans un futur pas si lointain, la Terre est définitivement en rade de ressources naturelles. Pourtant, vu que la cruauté est une ressource inépuisable, l’humanité a concocté un plan aussi simple que pervers : envoyer dans l’espace des colonies de condamné-e-s à mort à la recherche d’une source d’énergie inépuisable, supposée se trouver près d’un trou noir. Bien sûr que les cobayes ne sont pas mis au courant de la finalité de leur mission, qui implique leur mort certaine… mais aussi leur reproduction.

Pour que celle-ci réussisse, une docteure est intégrée dans l’équipage. Elle cherche frénétiquement à multiplier des cellules humaines par insémination in vitro – les rapports sexuels entre prisonniers-ères étant interdits. Et comme cela doit arriver, c’est bientôt la pagaille à bord. Les gens s’entretuent, ne laissant en vie qu’un seul prisonnier du nom de Monte, qui doit s’occuper de sa survie comme de celle d’un mystérieux bébé.

Si le film est à placer dans la même lignée qu’« Interstellar » de Christopher Nolan ou encore « Prometheus » de Ridley Scott (moins les aliens pourtant), il se distingue par sa vue pessimiste sur la nature humaine, qui dans l’univers créé par Claire Denis ne peut être que mauvaise. Pas d’idéalisme ni de positivisme : dans l’espace, surtout près d’un trou noir, personne n’entend vos cris.

Pourtant, la faiblesse du film est d’insister un peu trop sur cette interprétation et de ne pas laisser se développer d’autres récits qui auraient aussi bien pu se passer dans ce huis clos intersidéral avec jardin compris. Les sauts temporels permanents du montage ne parviennent pas à masquer la monotonie qui règne et la linéarité de l’histoire. Cela rend les personnages étonnamment unidimensionnels et plats. Comme la puissante docteure Dibs, incarnée par Juliette Binoche : une femme avec un passé scandaleux, qui drogue l’équipage à sa convenance et l’abuse selon ses vœux, dont on ne voit pourtant pas les motifs profonds.

Mais c’est surtout le rôle principal qui donne dans la superficialité : on ne parvient pas à lire dans l’incarnation de Robert Pattison (oui, le vampire de la saga pour ados en manque de romantisme « Twilight ») ses émotions et ses motivations. D’autant plus que celles-ci doivent être plus fortes que celles des autres, puisqu’il est l’unique survivant. On n’ose pas imaginer ce que le film aurait été si Claire Denis avait pu donner le rôle à l’acteur qu’elle avait en tête en écrivant le scénario, malheureusement décédé. Philip Seymour Hoffman aurait sûrement su insuffler plus de volume à ce rôle condamné à un presque mutisme pendant le film. D’un autre côté, encore heureux que Vincent Gallo, que Denis avait aussi en tête, ait décliné, ç’aurait pu être pire encore.

Reste aussi que le film laisse un peu sur leur faim les avides de science-fiction. Certes, nous sommes dans l’espace, dans un navire prétendument autosuffisant, capable de quitter le système solaire et d’avancer à la vitesse de la lumière – provoquant du coup des éclatements dans l’espace-temps. Mais la finalité de la mission et surtout la fin du film (qu’on ne dévoilera pas ici) restent un peu trop mystérieuses.

Bref, pour les amatrices et amateurs de Pattinson dans l’espace, on peut le recommander. Les autres pourront aller voir ailleurs. Un peu dommage aussi, vu la filmographie éblouissante de Claire Denis…

À l’Utopia. Tous les horaires sur le site.

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