Dans les salles : Les hirondelles de Kaboul

Plutôt que de proposer une chronique de la vie quotidienne dans l’Afghanistan des années 1990, « Les hirondelles de Kaboul » se concentre sur deux histoires d’amour foudroyées. Une belle réussite.

La jeune Zunaira rejoint la longue liste des héroïnes tragiques de cinéma. (Photos : Les Armateurs)

Bien sûr, certaines scènes évoquent le paradis perdu d’avant la conquête de l’Afghanistan par les talibans. On pense en particulier à celle où l’élégant bâtiment d’un cinéma-théâtre, d’où sortent des couples habillés à l’occidentale, se transforme à l’écran en ruines devant lesquelles évoluent des femmes entièrement couvertes et des hommes la mitraillette en bandoulière. Mais « Les hirondelles de Kaboul » n’est pas un film à charge contre les extrémistes religieux qui ont dynamité les Bouddhas de Bamiyan : ce serait un peu tard, le sujet ayant été déjà abondamment traité.

On croise donc la route de Mohsen et Zunaira, jeune couple intensément amoureux dont l’arrivée au pouvoir des talibans a brisé l’élan. Elle et lui voudraient enseigner, mais l’entre-deux qui s’est installé dans le pays force le statu quo et l’immobilisme. Et puis il y a Atiq, le gardien de la prison des femmes, et son épouse Mussarat. Lui a fait la campagne contre les Russes, et son cœur est devenu sec de tant de conflits ; elle a un cancer en phase terminale. Ce sont ces deux couples qui vont se croiser et se défaire, lorsque Mohsen va machinalement, comme un automate, participer à une lapidation.

Pour adapter le best-seller de Yasmina Khadra (nom de plume de Mohammed Moulessehoul), Zabou Breitman a accepté d’utiliser l’animation, à condition que les personnages soient portés par le jeu de celles et ceux qui les incarnent. C’est ainsi que les visages créés par l’animatrice (notamment sur « Ernest et Célestine ») et coréalisatrice du film Éléa Gobbé-Mévellec empruntent beaucoup de traits aux comédiennes et comédiens qui leur prêtent vie. Côté dessin, la réalité crue de ces terribles années 1990 en Afghanistan se trouve auréolée d’un halo de beauté pastel – ce qui pourrait choquer, mais qui finalement donne un charme indéniable au long métrage. Comment sinon évoquer l’amour fougueux du jeune couple ou la tendresse dissimulée des vieux époux ? Des lignes plus fermes auraient certainement détonné.

Flou relatif du trait, sensualité des gestes, lumière saturée, volonté de ne pas animer les détails à tout prix : les images revêtent ici un message politique, celui que malgré la violence, il existe toujours une lueur d’humanité, de douceur dans un monde de brutes. Un rien simplet et mélo, comme pourraient le faire penser les plans où l’on voit de sympathiques hirondelles évoluer dans une ville martyre désertée ? Voire. Atiq et Mohsen, les personnages masculins principaux, n’ont rien de manichéen : ils sont tous deux à un moment attiré par la part sombre qui réside en eux. En cela, « Les hirondelles de Kaboul » évite le dualisme facile tout comme la sensiblerie. Quant aux deux femmes, elles sont loin d’être des épouses béates, comme le montre le point culminant du film, apogée inattendu de la violence qui décidera du sort des deux couples.

Il y a un peu moins d’un an sortait sur les écrans l’excellent « The Breadwinner », de Nora Twomey, autre film d’animation adapté d’un livre dont l’histoire se déroule en Afghanistan. « Les hirondelles de Kaboul », dans un registre différent, est tout aussi puissant, et peut-être même graphiquement plus immersif. Comme à son prédécesseur, le seul reproche qu’on pourrait faire au film serait de ne pas utiliser la langue du pays de son intrigue, à part pour des dialogues d’ambiance. Reproche de puriste, peut-être, puisque à l’écran, on est vite emporté par le récit. Un vrai beau film – dans tous les sens du terme – à ne pas manquer.

À l’Utopia. Tous les horaires sur le site.

L’évaluation du woxx : XXX


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