Transferts d’armes vers l’Égypte : L’Union européenne doit agir

Près de la moitié des États membres de l’Union européenne (UE) ne se tiennent pas à la suspension des transferts d’armes vers l’Égypte. Ils risquent ainsi de se rendre complices d’une vague d’homicides illégaux, de disparitions forcées et de torture.

Malgré la suspension décidée au niveau de l’UE après le meurtre de centaines de manifestants par les forces de sécurité en août 2013, 12 des 28 États membres continuent de compter parmi les principaux fournisseurs d’armes et d’équipements pour le maintien de l’ordre destinés à l’Égypte. Il est à craindre que les ministres des Affaires étrangères de l’UE ne décident prochainement de supprimer cette actuelle suspension qui est déjà insuffisante.

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En Égypte, peu a changé en termes de violences policières depuis la destitution de Moubarak. Échauffourées entre policiers et manifestants lors du soulèvement de 2011. (Photo : Goran Tomasevic / Oxfam)

Ne serait-ce qu’en 2014, des États membres de l’UE ont octroyé 290 licences d’exportation vers l’Égypte d’équipements militaires pour un total de plus de six milliards d’euros. Parmi ces exportations destinées aux opérations militaires et de lutte contre le terrorisme, armes légères et de petit calibre, munitions, véhicules blindés, hélicoptères militaires, armes lourdes et technologie de surveillance.

Les pays de l’UE qui fournissent des armes à l’Égypte depuis 2013 au moyen d’exportations ou de courtage sont les suivants : Allemagne, Bulgarie, Chypre, Espagne, France, Hongrie, Italie, Pologne, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni et Slovaquie.

Selon Privacy International, des entreprises de plusieurs pays de l’UE, dont l’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni, ont également fourni aux autorités égyptiennes des technologies ou des équipements sophistiqués destinés à être utilisés pour la surveillance exercée par l’État.

L’UE complice de la répression

Au cours des dernières années, les autorités égyptiennes ont mené une répression sous le prétexte de rétablir la stabilité dans le pays, après la destitution par l’armée du président Mohamed Morsi en juillet 2013. Elles ont utilisé des méthodes brutales, à l’origine de la mort de centaines de manifestants. Des milliers de personnes ont été arrêtées et jugées dans le cadre de procès collectifs manifestement iniques. Des détenus signalent souvent des actes de torture et d’autres mauvais traitements.

En janvier 2015, au moins 27 personnes sont mortes dans le cadre de violences liées à des manifestations, dont un grand nombre aux mains de membres armés des forces de sécurité.

Des membres armés des forces de sécurité ont également procédé à des arrestations massives de personnes qui critiquaient le gouvernement et d’opposants politiques. Près de 12.000 personnes ont été arrêtées parce qu’elles étaient soupçonnées de « terrorisme » au cours des seuls dix premiers mois de l’année 2015, selon un responsable du ministère de l’Intérieur cité par la presse égyptienne.

En janvier 2016, des membres armés des forces de sécurité ont effectué des descentes dans plus de 5.000 immeubles d’habitation du centre du Caire dans le cadre d’une opération de sécurité menée au moment du cinquième anniversaire du soulèvement de 2011, et de nombreux militants ont été arrêtés.

L’année dernière, le pays a connu une vague de disparitions forcées : des centaines de personnes ont été enlevées par des membres armés des forces de sécurité. Ces personnes sont maintenues en détention au secret de façon prolongée et torturées par des agents des forces de sécurité.

Les responsables des graves violations des droits humains perpétrées durant le soulèvement de 2011 et depuis n’ont pas eu à répondre de leurs actes. Jusqu’à présent, les autorités égyptiennes se sont abstenues de mener des enquêtes efficaces, indépendantes et impartiales sur les centaines de cas de disparitions forcées, de torture et d’homicides illégaux répertoriés par des groupes de défense des droits humains.

Pour un embargo

Alors que les informations qui ont été réunies montrent que de nombreux États de l’UE n’ont pas tenu compte de l’appel lancé en 2013 pour une suspension des transferts d’armes utilisées pour la répression interne en Égypte, il est à craindre que les prochaines négociations ne débouchent sur un nouvel assouplissement, voire une suppression de cette suspension. Cela fait suite à la décision prise l’an dernier par les États-Unis de relancer son aide militaire à l’Égypte pour un montant annuel de 1,3 milliard de dollars.

Amnesty International demande à l’UE et à ses États membres de décréter et de mettre pleinement en œuvre un embargo contraignant sur les transferts vers l’Égypte d’équipements de sécurité et de maintien de l’ordre correspondant aux types d’armes utilisés pour commettre ou faciliter de graves violations des droits humains.

De même, Amnesty s’exprime en faveur de la mise en place d’une politique de « présomption de refus » pour ces mêmes transferts d’armes. L’embargo tout comme le principe de « présomption de refus » devront être maintenus jusqu’à ce que les autorités égyptiennes mettent en place des garanties efficaces pour empêcher que d’autres graves violations ne soient commises par les forces de sécurité, et mènent au plus vite des enquêtes exhaustives, indépendantes et impartiales sur les violations perpétrées depuis le soulèvement de 2011.

www.amnesty.lu

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