Impôt minimal global : L’heure de vérité s’approche

La décision du G7 le weekend dernier d’aller vers un impôt minimal de 15 % pour les multinationales pourrait changer la donne pour le Luxembourg. Si elle ne veut pas être prise de court, la politique nationale ferait mieux d’abandonner tout double discours et d’affronter l’avenir.

Les relations entre les Luxembourgeois-e-s, la politique et « leur » place financière, fondée par des avocat-e-s d’affaires, ont longtemps été marquées par une harmonie ignorante. La classe politique ne s’en est pas trop mêlé tant que l’argent continuait de couler et que l’image du pays n’en souffrait pas trop. Après les scandales Luxleaks, l’attitude a définitivement changé, et la coalition est passée à l’offensive avec des campagnes de branding et l’invention du mantra du « level-playing field ». Et cela tout en essayant de freiner les ardeurs d’une justice fiscale globale qui éliminerait aussi les niches dans lesquelles le petit grand-duché a si longtemps su se cacher.

Si l’on veut oser une comparaison, le Luxembourg, c’est un peu comme un fermier qui s’est fait vendre du glyphosate de Monsanto : au début, les résultats sont superbes, la croissance est plus que satisfaisante, et tant qu’on ne regarde pas les détails tout pourrait continuer à rouler jusqu’à la fin des jours. Malheureusement, on sait ce qui s’est passé pour le glyphosate…

L’administration Biden vient d’accélérer des discussions englouties depuis des années, aussi parce que le Luxembourg avec d’autres pays essayait de freiner des deux fers sous la table des négociations. Et si l’avancée semble trop mince pour beaucoup d’ONG investies dans le domaine de la justice fiscale – qui estiment à plus ou moins 25 % la juste taxe, au lieu de 15 % –, cela veut dire pourtant que la place luxembourgeoise devra s’adapter, si elle ne veut pas perdre une bonne partie de sa clientèle. L’heure de vérité est en train d’approcher.

Le Luxembourg, c’est un peu comme un fermier qui s’est fait vendre du glyphosate de Monsanto.

Pour l’instant, le Luxembourg officiel n’a pas encore communiqué sur le taux d’imposition – un tweet du ministre des Finances «Luxembourg welcomes the general agreement » mis à part. De toute façon, le taux d’imposition pour les sociétés au grand-duché est de 15 %, voire 17 % pour un revenu imposable au-delà de 200.000 euros. Pourtant, ce ne sont pas les taux officiels qui sont problématiques, mais bien les arrangements pour les réduire significativement. Des constructions dans lesquelles la place joue sur toute la partition, que ce soit en tant qu’entonnoir pour faire passer de l’argent entre une économie réelle et un « vrai » paradis fiscal ou en tant que simple « LuxCo » dans un montage international : il est indéniable que le Luxembourg joue un rôle de premier plan dans l’industrie de l’optimisation fiscale. Et la taxe « G7 » s’appliquera aux taux effectifs, donc ceux réellement taxés, et non pas à ceux issus de constructions sophistiquées.

Tout se jouera alors sur les détails : la façon dont cette nouvelle taxe sera imposée, qui la contrôlera et si des niches subsisteront. En tout cas, le ministère des Finances tout comme le gouvernement devront faire face rapidement. Le ministre des Finances irlandais Paschal Donohoe (qui préside aussi l’Eurogroupe) a lui déjà réagi. Dans thejournal.ie, il laisse entendre que son pays pourrait perdre jusqu’à 2,2 milliards d’euros par an si le paquet était mis en place. Pourtant, il s’est dit confiant, dans l’« Irish Times », sur le fait que cet impôt ne mettra pas une fin à l’attractivité de l’Irlande pour les multinationales, s’appuyant aussi sur l’infrastructure et l’emploi réel mis en place par des géants comme Apple ou Facebook sur l’île verte. On peut donc être curieux de savoir ce que le gouvernement de coalition bleu-rouge-vert nous en dira.


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