Logement : L’inégalité foncière se renforce

La CSL nous rappelle comment se loger rend pauvre dans un pays riche.

torange.biz CC-BY 4.0

Lors de la présentation de la note de la Chambre des salariés (CSL) sur le logement, le directeur Sylvain Hoffmann a avoué ne rien raconter de nouveau : le Luxembourg fait face à une crise du logement. Sur une année, les prix des logements mis sur le marché ont augmenté de 11 pour cent. Alors que l’on estime que 6.200 à 8.000 logements nouveaux seraient nécessaires chaque année, seulement 2.891 ont été construits entre 2010 et 2016 en moyenne.

Le mérite du travail de la CSL : sur 47 pages, elle réunit des éléments d’analyse ainsi que des propositions d’amélioration de façon très dense, mais aussi sans aucune ambiguïté.

D’abord l’évolution des prix : depuis 1995, ceux-ci ont été multipliés par 3,6, alors que dans le même temps les salaires n’ont progressé que de 78 pour cent. Le coût du logement a donc pris une part de plus en plus grande dans les budgets des ménages. Or, la situation s’est aggravée encore plus sensiblement pour les salaires les plus bas, qui ont tendance à augmenter moins rapidement. Si en moyenne les ménages Luxembourgeois dépensent 22,9 pour cent de leurs revenus pour le logement (3e rang au niveau européen), ce taux passe à quelque 45 pour cent pour les plus pauvres (2e rang). Le Luxembourg peut bien afficher les salaires les plus élevés d’Europe, mais le paradis s’avère un véritable enfer pour celles et ceux qui n’ont pas accès à un logement par héritage ou à un des trop rares logements sociaux.

Oligopole foncier

Une analyse superficielle pourrait mener à la conclusion que l’exiguïté du territoire et la croissance ont mené à une situation somme toute « logique » : la demande est plus forte que l’offre, donc les prix augmentent.

Cependant, pour l’année 2016, l’Observatoire de l’habitat du Liser avait estimé le potentiel foncier à l’intérieur des périmètres de construction des communes luxembourgeoises à 2.959 ha. 11 pour cent de ces surfaces appartenaient à des entités publiques et 16,5 pour cent à des sociétés. Les 2.144 ha restants étaient possédés par 15.907 particuliers, c’est-à-dire 2,7 pour cent de la population totale. Un pour cent de ces propriétaires fonciers possédaient un quart du potentiel foncier. À Luxembourg-ville, la « structure oligopolistique du foncier disponible », selon les mots de la CSL, était encore plus apparente : 11 familles et 11 sociétés détenaient 63 % des terrains constructibles.

Face à ce constat, la CSL se plaint d’une législation inadéquate pour lutter contre la spéculation foncière, qui ne grève pas assez les énormes plus-values obtenues par les propriétaires après plusieurs années d’attente, et ne les incite pas à mettre leur terrain sur le marché le plus vite possible.

Ainsi, l’impôt foncier luxembourgeois ne correspond qu’à 0,1 pour cent du PIB. En prenant la moyenne des pays voisins, 1,4 pour cent, les recettes de cet impôt pourraient passer de 38 millions d’euros par an à 824. Ce même impôt devrait aussi connaître une certaine progressivité en fonction de la propriété nationale globale des contribuables, ce qui permettrait d’exonérer les résidences principales. Il devrait être, en plus, sensiblement plus fort en cas d’inoccupation.

Aussi devrait-on mettre fin aux fameux fonds d’investissement spécialisés, créés en 2007, qui permettent de contourner le (faible) taux d’imposition des plus-values obtenues. Une sensible augmentation de ce taux pourrait aussi renforcer les ventes en faveur de l’État, exemptées de cette imposition.

Une augmentation de l’offre de logements locatifs sociaux, un plafonnement des loyers et une réforme de la subvention à la location, une réduction de la garantie locative à un mois et un endiguement des locations temporaires sont d’autres mesures que préconise la CSL.

Les aides actuelles en matière d’écologie devraient par ailleurs être échelonnées selon des critères sociaux, pour ne pas profiter qu’aux plus riches. La déductibilité intégrale des intérêts sur les prêts hypothécaires mène à la surchauffe, car elle permet aux propriétaires détenteurs-trices des revenus les plus importants de faire des économies plus importantes.

La CSL appelle donc à plus d’équité face au logement… et reconnaît qu’il n’est plus opportun de raisonner uniquement selon le modèle d’un-e citoyen-ne devenant à terme propriétaire de son logement.


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