LuxFiles : Jardin pas si secret

« Une attaque » contre notre pays ? Une série de révélations – parfois – mal recherchée ? L’« affaire LuxFiles » n’est autre chose qu’une piqûre de rappel.

(Illustration: Le Soir)

Le Luxembourg, le « jardin fiscal secret » des Belges titrait le journal « Le Soir » la semaine dernière et promettait des révélations sur les boîtes à lettres un peu spéciales qui pullulent toujours dans notre capitale et ailleurs dans le pays. Nos confrères sont même allés jusqu’à inventer un hashtag (#LuxFiles) pour essayer de vendre leurs articles dans le même rayon que les Panama Papers ou autres Luxleaks.

Ils auraient pourtant pu se passer de l’épithète « secret », tant la pratique des firmes logeant dans les boîtes aux lettres – et dont le seul intérêt est souvent l’optimisation fiscale – fait partie intégrante du modèle de business luxembourgeois. Il s’agit notamment des soparfis, ces sociétés de participation financière – en fait des SA ou sàrl, mais qui ne servent qu’à porter des participations dans d’autres sociétés. Pas étonnant dès lors que le présentateur du journal du soir de RTL ait évoqué une énième « campagne contre notre pays ».

Pourtant il n’en est rien, et cela pour plusieurs raisons. D’abord, c’est moins le grand-duché qui est dans le viseur des médias belges que la Belgique elle-même – que l’on parle des familles riches qui ont cherché les avantages luxembourgeois ou des « Diables Rouges » qui ont aussi été pointés du doigt. Et puis, les « LuxFiles » ne dévoilent rien d’illégal ou de caché, tout au contraire, ils mettent le doigt dans une plaie trop bien connue.

Bref, « LuxFiles », c’est aussi une façon de vendre du papier outre-Martelange. Surtout si on garde en tête que nos voisins belges, avec le nombre d’exilés français qu’ils accueillent chaque année, sont loin d’être des anges en matière d’optimisation fiscale. En fait, le Benelux entier est en quelque sorte une chambre noire fiscale européenne. Ainsi, par le biais de la sacro-sainte concurrence fiscale, un pays devient le diable de l’autre et personne ne bouge tant que le fameux « Level Playing Field » n’est pas établi. Or ce dernier est en train de s’éloigner à forte vitesse – le Brexit y jouant aussi un rôle, la Grande-Bretagne risquant de (re)devenir la vraie étoile noire de la finance mondiale pour compenser son manque à gagner après sa sortie de l’Union européenne.

Les niches fiscales, légales ou non, sont le moteur d’injustices sociales.

Entre-temps, le problème de toutes les niches fiscales, légales ou non, est qu’elles sont le moteur des injustices qui rendent malades nos sociétés. Les écarts entre riches et pauvres se creusent et les techniques d’optimisation y jouent un rôle important. Pas seulement en termes de chiffres (les pertes potentielles sont astronomiques, 1.000 milliards d’euros par an dans le monde selon l’eurodéputé socialiste belge Hughes Bayet), mais aussi dans la manière dont ces techniques différencient désormais les riches des pauvres. Car l’optimisation proposée par l’industrie financière ne vise pas l’employé lambda, mais cible les riches, pour lesquels se payer un tel service a un sens. Tandis que tous les autres payent sagement leurs impôts. De l’eau au moulin des populistes et en même temps un problème que les forces politiques dites « modérées » peinent à attaquer.

Longtemps, trop longtemps, le Luxembourg s’est installé dans la douce illusion du « tout légal » en fermant les yeux sur l’impact économique international de sa place financière et de son modèle économique. Il est grand temps de réaliser notre responsabilité et d’œuvrer vraiment à une stratégie de sortie de notre dépendance budgétaire et politique de la place financière. Sinon, le grand-duché est condamné à rester un moteur des injustices économiques – et les prochains « LuxFiles » viendront rappeler cette réalité.


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