Migration : Jusqu’ici tout va bien

La Cour de justice de l’Union européenne estime qu’un système social défaillant n’est pas une raison suffisante pour ne pas appliquer le règlement de Dublin.

Rossella Muroni, présidente du parti Liberi e Uguali, s’opposant au démantèlement d’un camp de réfugié-e-s suite au décret Salvini à Castelnuovo di Porto en janvier 2019. (Photo : Facebook)

Abubacarr Jawo est originaire de Gambie. Après avoir traversé la Méditerranée, il introduit une première demande d’asile en Italie, puis continue sa route avant d’arriver en Allemagne où il fait sa deuxième demande d’asile, jugée irrecevable par les autorités allemandes. Celles-ci ordonnent alors son transfert en Italie, conformément au règlement Dublin III.

Sauf qu’absent le jour où les autorités viennent le chercher, Abubacarr Jawo échappe au transfert. Devant le tribunal administratif supérieur du Bade-Wurtemberg, il demande ensuite que l’Allemagne devienne l’État responsable, en raison de l’expiration du délai de six mois prévu par le règlement Dublin III pour le transférer vers l’Italie. Et parce qu’en Italie, aussi bien la procédure d’asile que les conditions d’accueil et de vie des bénéficiaires de protection internationale laisseraient à désirer.

Le tribunal allemand, se référant à un rapport de l’Organisation suisse d’aide aux réfugié-e-s, décide alors de saisir la Cour de justice de l’Union européenne. Le rapport en question fait notamment état de bénéficiaires de protection internationale en Italie vivant en marge de la société, sans domicile fixe et dans l’indigence. Et souligne que si les défaillances du système social italien sont compensées par une certaine solidarité familiale – en ce qui concerne la population italienne –, ceci ne vaut pas pour les bénéficiaires de protection internationale, qui restent exposé-e-s à la misère.

Mardi, les juges luxembourgeois ont finalement rendu un arrêt dans cette affaire, prenant également en compte un cas de Palestiniens apatrides et celui d’un ressortissant russe, d’origine tchétchène, respectivement bénéficiaires de la protection subsidiaire en Bulgarie et en Pologne.

Selon l’arrêt de la Cour de justice, les défaillances dans le système social d’un pays membre ne sauraient être une raison suffisante pour ne pas appliquer le règlement de Dublin III. Elles devraient déjà pour cela atteindre un certain « seuil particulièrement élevé de gravité ». Seuil que les juges estiment seulement franchi « dans une situation de dénuement matériel extrême » qui ne permettrait plus au demandeur d’asile de faire face à ces « besoins les plus élémentaires, tels que notamment ceux de se nourrir, de se laver et de se loger, et qui porterait atteinte à sa dignité à sa santé physique ou mentale ou la mettrait dans un état de dégradation incompatible avec la dignité humaine ».

Rien ne devrait donc changer au niveau du règlement Dublin III lui-même, qui n’est pas remis en cause. Et en l’absence de consensus européen sur l’introduction de quotas permettant de répartir les migrant-e-s en Europe et d’épauler les pays du sud, ces derniers continueront de porter la plus lourde charge.

Si la Cour de justice simplifie les transferts dans le cadre de Dublin III, elle enjoint en même temps aux administrations et tribunaux européens d’évaluer les risques au cas par cas, ce qui pourrait retarder les ordres d’éloignement en question.

Lors de la présentation du bilan en matière d’immigration en février, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, Jean Asselborn, a assuré qu’aucune des personnes jugées « vulnérables » ne serait renvoyée en Italie. Et qu’il aurait chargé l’ambassade du Luxembourg en Italie d’assurer que celles qui le sont ne courent pas le risque de se retrouver dans la rue. Une annonce jugée peu crédible par une association présente sur le terrain. Au gouvernement désormais de prouver le contraire en amont d’éventuels futurs transferts.


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