Panama Papers
 : Le cas Arendt

Toujours dans notre collaboration avec la Süddeutsche Zeitung et l’ICIJ, le woxx se penche cette semaine sur le cas du secrétaire d’État à la Culture et ancien maire de Walferdange Guy Arendt.

Guy Arendt lors de l’ouverture du stand luxembourgeois à la Frankfurter Buchmesse cette semaine. L’actuel secrétaire d’État à la Culture a été bâtonnier du barreau de Luxembourg de 2006 à 2007. (Photo : ©MC_CULT)

La recherche sur Guy Arendt dans la vastitude informatique des Panama Papers (13,2 millions de documents) s’est avérée un peu plus difficile que dans les cas traités précédemment, Laurent Mosar et Roy Reding. Et pour cause : le nom Arendt n’est pas uniquement très courant au Luxembourg, mais il l’est aussi dans le secteur financier, où une grande étude d’avocats porte le même nom (nous y reviendrons aussi dans un article ultérieur).

Cependant, il faut savoir que le Guy Arendt qui nous intéresse a été l’associé du cabinet d’avocats Bonn & Schmitt de 1988 à 2015 (année de son entrée au gouvernement). Accessoirement, il a été bâtonnier du barreau de Luxembourg – et donc patron des avocat-e-s – de 2006 à 2007. Dans sa déclaration en vertu du code de déontologie du gouvernement, Arendt indique avoir siégé dans six conseils d’administration, dont certains afférents à sa fonction de maire comme le Pidal, mais aussi Mediaset (une société d’investissement créée en 1996) et Assurances-Conseils Luxembourg, qui est une société de courtage.

Autre élément qui diffère des cas analysés précédemment : Arendt n’apparaît pas comme intermédiaire entre sa clientèle et le cabinet Mossack Fonseca. Alors que l’on retrouve son nom sur une fiche client du cabinet panaméen datant de 2002. L’information client (numéro 5645) concerne l’étude Bonn & Schmitt, qui est listée comme « Professional clients in Luxembourg » et le type d’activité est décrit comme « Intermediary ». Curieusement, la fiche ne donne que deux noms clairs pour l’étude, celui d’Alex Schmitt et celui de Guy Arendt – y apparaissent trois occurrences d’un « Mr MF & CO. (Luxembourg) SARL », les initiales du cabinet panaméen.

En creusant dans les Panama Papers, on trouve cependant deux affaires bien documentées dans lesquelles Guy Arendt a été impliqué en tant qu’avocat. La première date d’avril 2000 et concerne une vente de parts entre une firme luxembourgeoise et une structure située aux îles Vierges britanniques – un des paradis fiscaux du réseau mondial de Mossack Fonseca. La firme luxembourgeoise Europe Online Networks SA a donc vendu des parts à une certaine Ego Corp. Europe Online, qui possède toujours un site web actif indiquant une adresse au grand-duché, a transféré 300.000 parts à Ego Corp, d’une valeur de 832.421,83 euros. Le document mentionne d’ailleurs aussi les autres actionnaires de la firme, dont une holding américaine, Finchley, qui détenait la même somme, ainsi qu’une ribambelle de privés qui avaient investi des sommes moindres. En copie du document détaillé, qui comprend le contrat de vente et une liste des actionnaires, on retrouve l’étude Bonn & Schmitt (avec la mention « à l’attention de Guy Arendt ») et la filiale luxembourgeoise de Mossack Fonseca – qui à ce moment était encore domiciliée à Rameldange.

Si, comme déjà mentionné, Europe Online Networks ne semble plus très active sur le marché des télécommunications, Ego Corp a été dissoute en janvier 2012 sur demande du propriétaire, qui, si on suit les conversations des employé-e-s de Mossack Fonseca à ce sujet, semble avoir été plutôt pressé de recevoir des documents prouvant que la société était bien « struck off ». Il aura son certificat le 30 janvier 2012.

L’autre affaire dans laquelle on retrouve le secrétaire d’État concerne un litige entre deux entités : Furrow Invest (une société domiciliée à Niue – très discret paradis fiscal du Pacifique sud) et la VP Bank Luxembourg SA. Dans les documents judiciaires retrouvés dans les Panama Papers, Guy Arendt figure comme avocat de cette dernière. L’affaire, datant de 2005, portait sur des réunions feintes et des différends sur des ventes de titres passées hors délais et sans les autorisations nécessaires – une affaire gagnée en appel par la cliente de Guy Arendt d’ailleurs.

Contacté par le woxx, Guy Arendt aurait voulu s’exprimer sous condition de pouvoir lire cet article – une procédure qui ne correspond pas à notre déontologie – et a donc préféré ne rien y ajouter. De toute façon, son métier, comme l’a indiqué son lointain successeur en tant que bâtonnier François Kremer aux collègues de la radio publique est assuré à l’avenir : les avocats-conseils connaissent une véritable inflation de leurs effectifs depuis des décennies et leur secret professionnel, même si l’Administration des contributions directes aimerait bien le ramollir un peu, reste verrouillé en tant que partie intégrante du modèle luxembourgeois.


Plongeon dans le passé

Pourquoi le woxx s’attelle-t-il à la tâche de déterrer les petits business que les représentants du peuple ont faits avec Mossack Fonseca ? D’abord parce qu’on le peut, grâce à notre collaboration avec la Süddeutsche Zeitung et l’ICIJ. Et puis il ne s’agit pas uniquement de dénoncer ces affaires – a priori toutes légales – et de crier au scandale. Non, le but est que nos lectrices et nos lecteurs comprennent un peu mieux ce qui s’est fait dans les coulisses non seulement du tristement célèbre cabinet panaméen, mais aussi dans celles de la démocratie luxembourgeoise. C’est un devoir démocratique de la presse de rapporter, sans fard, ce qui se trame derrière la façade, et c’est ce que nous faisons et ferons ici.


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