Pluralisme dans les médias : 29 euros par ménage

En attendant le grand ménage en matière d’aide à la presse, il est intéressant de voir ce qu’il faut garder du système existant.

(Illustration: Luxembourg – Let’s Make It Happen)

En 2017, l’État luxembourgeois a dépensé 7,17 millions d’euros au titre de la « promotion de la presse écrite ». Ce montant a été multiplié par quatre depuis la dernière réforme de cette aide quand, en 1998, le plafonnement par titre a été abandonné. L’aide est distribuée à dix quotidiens ou hebdomadaires luxembourgeois selon un système qui, à côté d’un socle commun et égal attribué à tous les titres, rémunère le nombre de pages rédactionnelles réalisées dans le courant de l’année.

À première vue, cette somme – et surtout son évolution – paraît énorme. Rapportée au nombre d’habitants, l’aide à la presse s’élève à 12 euros par habitant ou 29 euros par ménage. À titre de comparaison, rien que la seule augmentation de la fameuse « Essenszulage » dans la fonction publique, récemment décidée, va coûter avec 18 millions d’euros plus que le double à l’État.

En des termes moins polémiques, on pourrait comparer ce chiffre au montant de l’aide à la TVA que génèrent chaque année les quotidiens et hebdomadaires : selon la pige publicitaire officielle, le volume publicitaire brut des publications subventionnées s’élevait à 65 millions d’euros en 2017. Même si ce chiffre est largement surestimé, la TVA encaissée à ce titre par l’État devrait s’élever à 8 ou 9 millions d’euros par an. Tout en faisant abstraction d’autres considérations (impôts perçus et cotisations encaissées sur les salaires des journalistes par exemple), l’État se tire plutôt bien de ce jeu qui consiste à alimenter un secteur qui, sans cette aide, se serait énormément rétréci. Et le pluralisme médiatique avec lui.

Il y aurait beaucoup à dire sur l’absence de critères qualitatifs avec cette façon de distribuer les deniers publics. Mais elle a le mérite d’honorer l’effort éditorial des différentes publications. Or, les conditions dans lesquelles cet effort est réalisé varient beaucoup d’un titre à l’autre. Grimper un mur de deux mètres est plus difficile si l’on est seul, alors qu’à plusieurs on peut se faire la courte échelle pour arriver plus rapidement au prochain échelon, et ainsi de suite.

C’est pourquoi l’aide inventée en 1976 prévoyait un socle de départ identique pour tous les titres et un plafond pour ceux qui avaient atteint un niveau qui leur permettait de gravir les étapes suivantes par leurs propres moyens. À l’époque, et jusque vers la fin des années 1990, un tiers de l’aide était allouée à ce qu’on appelait la part fondamentale et deux tiers à l’aide proportionnelle. En 2016, seul un sixième de l’aide était encore consacrée au socle commun. En 1996, le principal bénéficiaire touchait 3,37 fois ce que le plus petit recevait. Vingt ans plus tard, ce chiffre montait à 6,5.

La part des cinq hebdomadaires et quotidiens indépendants est passée de 46,9 à 28,4 %.

Si les plus puissants du marché ont pu profiter de l’envolée depuis le déplafonnement, les plus faibles n’ont pas vraiment décollé, au contraire : la part des cinq hebdomadaires et quotidiens indépendants – donc ceux qui ne sont pas liés aux deux plus grandes maisons d’édition – est passée de 46,9 % en 1996 à 28,4 % en 2017.

D’autres acteurs et d’autres formats de publication sont restés à l’écart. Le woxx (anciennement GréngeSpoun) a été le seul titre non édité par une des grandes maisons d’édition à entrer dans le système.

La miniréforme de l’aide pour les publications en ligne n’a pas vraiment su convaincre : les conditions d’attribution ont jusqu’à maintenant empêché que des sites indépendants y aient accès. Les sept demandes honorées jusqu’à présent émanent toutes de grandes maisons d’édition.

Le woxx vient de tenter le coup : comme annoncé le 1er novembre 2017, nous avons présenté à la fin du mois de mai notre demande en obtention d’une subvention pour notre publication « woxx.lu ». Il s’agit d’une nouvelle étape de notre projet, qui devrait nous permettre d’améliorer notre offre éditoriale en ligne tout en maintenant la qualité de la publication papier – avec une création de postes supplémentaires en vue.

Mais le pari n’est pas gagné, car le régime provisoire devrait mener à une aide réformée plus généralisée. Les premières ébauches ne permettent pas d’entrevoir que les distorsions de l’ancien système y seraient vraiment éliminées. Au  contraire.


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