Réfugié-e-s : Dissiper les craintes


Pour la première fois dans son histoire, l’Asti gère un foyer de réfugiés. Une expérience qui pourrait bel et bien servir d’exemple – tout comme les autres projets d’accueil et de suivi des réfugiés que l’association a présentés cette semaine.

Les représentants de l’Asti et de l’Olai lors de la conférence de presse à Mersch. (De gauche à droite : Marc Piron, Marc Faber, Laura Zuccoli, Laure Amoyel, Sérgio Ferreira.) (Photo : Asti)

Les représentants de l’Asti et de l’Olai lors de la conférence de presse à Mersch. (De gauche à droite : Marc Piron, Marc Faber, Laura Zuccoli, Laure Amoyel, Sérgio Ferreira.) (Photo : Asti)

C’est une première : depuis le 15 septembre de cette année, l’Association de soutien aux travailleurs immigrés (Asti) gère un foyer de réfugiés, à Mersch. Situé derrière la gare, en face du lycée Ermesinde et du Lycée technique pour professions éducatives et sociales, le foyer héberge, en ce moment, 29 personnes. Avant, il était géré par l’Office luxembourgeois d’accueil et d’intégration (Olai).

Mercredi 21 octobre, l’Asti a invité les représentants de la presse luxembourgeoise à une conférence dans les locaux nouvellement investis. Si la participation de la ministre de la Famille Corinne Cahen était annoncée, c’est une fonctionnaire de l’Olai, Laure Amoyel, qui s’est déplacée pour expliquer que la ministre avait d’autres engagements.

La conférence de presse était, pour l’Asti, l’occasion non seulement de présenter le foyer, mais aussi de dévoiler ses projets concernant l’accueil des réfugiés ces prochains mois. Des projets divers et dont on peut avoir l’impression qu’ils sont placés sous le même mot d’ordre : rapprocher résidents de longue date et nouveaux arrivants.

Trois grands projets ont été présentés mercredi. À commencer par le foyer de Mersch, qui sert de projet pilote et qui pourrait devenir un modèle pour d’autres établissements semblables à travers le pays. « Nous mettons l’accent sur le suivi et l’encadrement social des habitants », explique Marc Piron, responsable du foyer à l’Asti. Un encadrement qui se fera, en partie, par des bénévoles spécialement formés et accompagnés par l’association, en coopération avec des partenaires tels que l’Agence du bénévolat.

Un modèle pour d’autres foyers ?

« Nous tâcherons d’élaborer une charte afin d’établir un cadre légal pour le travail des bénévoles », dit Piron. « Cette charte pourra, par la suite, être reproduite et servir de modèle à d’autres projets. »

Le plus important pour les nouveaux gérants de la maison de Mersch : l’« ancrage territorial ». « L’Olai nous a chargés d’œuvrer dans le sens d’un travail communautaire », continue Marc Piron. « Nous cherchons à collaborer avec les lycées d’en face, avec la commission d’intégration de Mersch, mais aussi avec les clubs et les associations. Bientôt, nous aurons une première réunion avec tous les acteurs intéressés. »

C’est sur un ancien terrain de l’Agrocenter que se trouve le foyer de Mersch. Un peu en dehors du centre-ville, le bâtiment ne fait pas tache. 29 personnes – « presque exclusivement des familles » détaille Marc Piron – en provenance de Syrie, d’Irak, des Balkans et d’Ukraine y vivent. C’est après le premier accueil au foyer Lily Unden (woxx 1332) que les demandeurs de protection internationale y arrivent. Selon les explications de la ministre Cahen sur les ondes de RTL le 21 octobre, un accueil avant l’accueil devra désormais se faire à Luxexpo au Kirchberg. Après 48 heures, les personnes seront transférées au foyer Lily Unden, et de là à leurs foyers définitifs respectifs.

Un couple de réfugiés syriens est prêt à répondre aux questions des journalistes. Cela fait cinq mois qu’ils sont au Luxembourg, avec leurs cinq enfants. « Le foyer est très bien », dit le mari. « Le seul problème, c’est la place. » Il dit vivre dans deux chambres avec sa femme et ses cinq enfants. « Nous sommes une grande famille, c’est dur de vivre avec si peu de place. » Comment s’occupent-ils, le temps d’attendre d’avoir le statut de réfugiés et de pouvoir travailler ? « Nous ne faisons pas grand-chose », raconte la femme. « Je vais bientôt suivre des cours de français », ajoute son mari.

Faciliter l’intégration

Une première évaluation du projet foyer se fera après 18 mois et une réapplication du modèle à d’autres endroits est envisageable. Pour la présidente de l’Asti, Laura Zuccoli, l’idée derrière le projet pilote serait aussi de « dissiper les craintes des autres communes ».

C’est dans cet état d’esprit que s’inscrivent les activités de l’agence interculturelle, dépendant de l’Asti et conventionnée avec l’Olai : informer et accompagner les communes dans leurs « efforts d’intégration », notamment des demandeurs d’asile. « Nous nous tenons à disposition des communes et des syndicats communaux », explique Marc Faber de l’agence. « Notre expérience sur le terrain, acquise pendant de longues années, peut certainement servir. »

Si le suivi et l’encadrement des demandeurs de protection internationale logés à Mersch est une priorité pour les responsables de l’Asti, l’idée de suivi ne s’arrête pas là. C’est ce que prouve un autre projet présenté lors de la conférence de presse : « Réussir sa migration », un projet financé par l’Olai et la Commission européenne dans le cadre du Fonds pour l’asile, la migration et l’intégration. Car les obstacles de nature administrative ou autre que rencontrent les demandeurs d’asile après leur arrivée au Luxembourg ne s’arrêtent pas avec l’obtention du statut de réfugié. « L’idée, c’est de faire accompagner les personnes qui ont obtenu ce statut par des coaches bénévoles », dévoile Xiaohang Liu, coordinatrice du projet pour l’Asti. « Réussir sa migration ne veut pas uniquement dire obtenir le statut de réfugié, mais aussi s’intégrer dans la société d’accueil. »

Les coaches formés par l’Asti – « souvent des retraités » comme l’a détaillé Zuccoli – pourront notamment accompagner les réfugiés reconnus dans leurs démarches concernant l’obtention d’un logement ou d’un emploi, mais aussi concernant des questions juridiques, à propos du renouvellement du permis de séjour ou du regroupement familial. Un service d’écrivain public sera mis en place afin d’aider les gens à remplir des formulaires ou à écrire des demandes officielles. « Après un premier appel, nous avons déjà pu réunir 25 coaches potentiels », explique, non sans une certaine fierté, Laura Zuccoli.

Construire quelque chose 
de durable

L’élan de solidarité des derniers mois envers les réfugiés n’y est certainement pas pour rien : « Nous avons été abordés maintes fois par des gens qui souhaitent s’engager », explicite la présidente de l’Asti. Lors de deux rencontres, près de 80 personnes intéressées se seraient présentées. « Nous proposons un certain nombre d’activités, notamment l’enseignement de la langue, des activités avec les enfants, le coaching… » À chaque profil son utilité : « Certains préfèrent peut-être enseigner la langue à un plus grand nombre, d’autres se laissent tenter par ce que nous appelons le ‘tandem de langues’, où chacun peut apprendre la langue de l’autre. »

Le bénévolat n’est d’ailleurs pas limité aux Luxembourgeois ou résidents de longue date : des demandeurs d’asile et ex-demandeurs d’asile s’engagent eux aussi. Ainsi, une équipe de journalistes et autres professionnels des médias ou de la communication arabophones serait en train d’être constituée, afin de faciliter la transmission d’informations à destination des nouveaux arrivants.

« Nous essayons de transformer l’élan de solidarité actuel en quelque chose de durable », raconte Laura Zuccoli. Pour Sérgio Ferreira, cet élan est absolument à saluer, mais il faut faire en sorte qu’il se construise aussi dans la durée. « Tous les résidents devraient s’impliquer », dit-il. Car même si, pour lui, on est encore loin des chiffres de la fin des années 1990 – en 1999, environ 3.000 demandeurs de protection internationale sont arrivés au Luxembourg à la suite de la guerre des Balkans ; fin septembre 2015, on n’avait pas encore atteint les 2.000 arrivées -, il convient quand même de se préparer pour les mois à venir.

Pour Ferreira, « il faut une approche globale ». « L’intégration ne se fait pas uniquement à travers le travail ou l’apprentissage de la langue. Certes, ce sont des éléments importants, mais le plus important est probablement le contact entre réfugiés et société d’accueil. »


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