Vidéosurveillance : Patate chaude

Rapidement évacuée lors du conseil communal du 22 octobre, la vidéosurveillance n’est toujours pas un thème traité avec le sérieux qu’il mérite.

« Vous connaissez le règlement, monsieur Benoy », a interrompu la bourgmestre Lydie Polfer, « Vous avez le droit de mettre un point à l’ordre du jour et de le présenter, mais ne vous attardez pas trop. » Quand le conseiller communal des Verts annonce par la suite qu’il va encore parler huit minutes, les grognements gagnent la salle – il est vrai que le conseil communal a déjà duré trois heures et qu’il reste la partie non publique à gérer. Mais tout de même, la réaction de la bourgmestre parle d’elle-même. D’abord le déni de toute responsabilité – c’est une demande de la police et du ministère –, puis un rappel que les Verts font partie du gouvernement, et enfin le renvoi en commission de la question. Si le lancer de la patate chaude était une discipline olympique, Lydie Polfer devrait tenter sa chance.

La ville, la police et le ministère veulent étendre la vidéosurveillance.

C’est que la vidéosurveillance est une histoire complexe. D’abord instaurée en trois zones sur la ville de Luxembourg – Limpertsberg-Glacis (A), centre Aldringen (B) et quartier de la Gare (C) –, elle devrait être étendue dans les mois qui viennent, comme le woxx l’avait révélé au détour d’une question parlementaire en mars de cette année – quand Franz Fayot voulait attirer l’attention de « son » ministre de la Force publique Étienne Schneider. C’est surtout ce passage de la réponse de Schneider qui mérite l’attention : « Le ministère de la Sécurité intérieure, la police grand-ducale et la Ville de Luxembourg sont en train de finaliser un concept actualisé entre autres pour le quartier de la Gare. » Donc, il s’agit bien d’une coopération entre la commune, la police et le gouvernement qui se trouve derrière l’extension de la zone de surveillance.

Néanmoins, l’embarras qui entoure le projet Visupol reste compréhensible. Mal pensé et mal mis en place dès ses débuts – rappelons que sous le ministre de l’Intérieur Halsdorf, les agent-e-s derrière les écrans de surveillance n’étaient même pas assermenté-e-s et que ce dernier se cachait derrière une étude qui n’en était pas vraiment une. Le problème est pourtant connu de toutes les villes qui ont misé sur le principe des caméras omniprésentes : la vidéosurveillance n’augmente pas le taux d’élucidation des crimes commis, mais provoque un déplacement de la criminalité dans les zones adjacentes. Elle renforce certes le sentiment de sécurité de quelques citoyen-ne-s, mais ne change rien aux problèmes sociaux qui sont souvent la racine du mal.

Une extension des zones de surveillance n’est donc à voir que comme une fuite en avant. Les vrais problèmes ne se résolvent pas en les laissant filmer par la police. Si on veut sécuriser le quartier de la Gare, il faudra plus de streetwork, une meilleure prise en compte des toxicomanes (la rédaction du woxx en sait quelque chose) en ouvrant l’Abrigado (« Fixerstuff ») au public 24/7 et finalement en travaillant à éradiquer les inégalités sociales qui souvent causent les « incivilités » et autres comportements que le collège des échevins libéral et conservateur abhorre tant. Mais tout cela coûte de l’argent et peut-être des voix aux prochaines communales.

Pourtant, la société civile ne demeure pas muette : sous l’adresse luxembourg.sous-surveillance.net sont listées toutes les caméras qu’on peut trouver sur le territoire de Luxembourg-ville – un comptage qui révèle aussi la démesure actuelle du nombre de caméras : 144 dans la capitale grand-ducale, contre 141 à Liège…


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