THEATRE: « On en fait trop »

Président fraîchement élu de la « Theaterfédératioun », Christian Kmiotek est loin d’être nouveau sur les planches de la scène culturelle locale. Le woxx a voulu savoir ce qu’il comptait changer.

Depuis peu, il préside la «Theaterfédératioun» et représente la scène théâtrale auprès des autorités: Christian Kmiotek.

woxx : Comment êtes-vous entré en contact avec le monde du théâtre ?

Christian Kmiotek : J’ai commencé au lycée à 15 ans. Je suis un produit typique du théâtre scolaire, j’ai commencé par hasard et puis j’ai continué sur ma lancée. C’était avec Ed Maroldt au Lycée des Garçons à Esch-sur-Alzette – une des deux troupes de la ville. Et je dois dire que le niveau était relativement haut et ambitieux.

Avez-vous étudié le théâtre par après ?

Pas du tout. J’avais essayé tout de même, mais la seule école qui entrait en ligne de compte pour moi était celle d’Essen en Allemagne, mais ils ne m’ont pas pris. C’était simple, le professeur principal m’a dit : « Il y a 400 candidats, j’en choisis une douzaine. Et vous n’en faites pas partie ». Et puis mon père m’a signifié qu’il était temps d’aller travailler, ce que j’ai fait. J’ai d’ailleurs toujours une demi-tâche en tant que chargé de cours. Mais j’ai toujours continué à faire du théâtre à côté. Il ne faut pas oublier qu’en ces temps-là, personne n’était payé vraiment – donc on ne peut même pas parler de théâtre semi-professionnel. A cette époque, je n’ai tout de même pas fait que jouer, j’ai aussi fait des productions.

Comment êtes-vous arrivé sur ce dernier volet ?

Quelqu’un doit bien le faire? Et puis, si on voulait faire du théâtre, il fallait bien s’organiser.

A côté du théâtre, vous avez aussi été actif chez Samsa Films dès les débuts. Comment est-ce arrivé ?

Quelques-unes des personnes impliquées dans le théâtre ont commencé à s’intéresser à la production de films, dont certains ont fréquenté des écoles de films. Et vu que d’un autre côté il y avait aussi des contacts avec Andy Bausch, nous avons commencé à monter Samsa Films en tant qu’asbl. Finalement, comme j’avais acquis une certaine expérience dans la gestion des productions théâtrales, on m’a demandé de faire la même chose pour les films. Ce que j’ai fait pendant 25 ans. Mais je viens de quitter ce boulot, parce que 25 ans, ça suffit. Non pas qu’il y ait eu des différences, je continue d’ailleurs à donner mon avis sur ce qui se passe, mais c’était plutôt une affaire de planification de ma vie.

En plus de cela, vous êtes président d’une commission qui conseille le ministère de la culture. Quelle importance a pour vous la collaboration entre culture et politique ?

Je n’irai pas jusqu’à dire qu’il y ait une collaboration entre politique et culture. Je parlerai plutôt d’une collaboration entre l’administration et le monde culturel. Je ne pense pas que ce soit aux politiciens de s’immiscer dans le quotidien des artistes – ils doivent se borner à en fixer les grandes lignes. Concrètement, dans la commission de conseil, j’avise la ministre sur le statut de l’artiste et sur les indemnités d’inactivité involontaire pour les intermittents du spectacle et je représente la « Theaterfédératioun ». Ce n’est pas hautement politique, mais on peut prendre le pouls du secteur et proposer des changements de certaines lois ou règlements.

Une politique culturelle idéale, cela ressemblerait à quoi, selon vous ? Où se trouve l’équilibre entre interventionnisme et liberté artistique ?

C’est une question très difficile. D’un côté, on ne veut pas d’une nouvelle Margot Honecker, qui, en tant que ministre de la culture de l’ex-RDA, dictait ce qui était bien et interdisait ce qui ne convenait pas. De l’autre, je pense que le ministère devrait avoir une certaine vision des choses. Une vision avec laquelle on peut être en accord ou non, à l’image de la politique scolaire, où la ministre en charge porte au moins une vision. Cela ne semble pas être le cas pour la culture, où il règne actuellement le principe de l’arrosoir. On essaie de satisfaire le maximum de gens, mais ce n’est pas une vision.

Est-ce que vous avez une vision pour améliorer les choses en tant que président de la « Theaterfédératioun » ?

En termes de budget, je pense que le théâtre représente une infime partie de la scène culturelle,. Si on compare les budgets de certaines grandes institutions avec ce que reçoivent quelques groupes de théâtre libres pour assurer leurs productions, on se rend compte que c’est ridicule. Je ne sais donc pas si j’ai une réelle influence sur la politique culturelle, mais je peux essayer de faire du lobbying pour le monde du théâtre.

Comment voyez-vous l’état de la scène théâtrale en 2012 ?

Point de vue offre, je pense qu’on en fait trop. Et vu qu’on ne se fait pas uniquement concurrence entre groupes de théâtre, mais que nous évoluons aussi en concurrence avec une surabondance d’offres culturelles et de loisirs – ce sont surtout les jeunes qui font défaut, que nous ne touchons plus. Je pense donc que nous devrions faire moins de productions, mais de meilleure qualité. Plus de classe et moins de masse, si on veut.

Comment y arriver si chacun veut continuer à se faire arroser plus ou moins généreusement ?

Seulement par une certaine vision politique, qui dirait par exemple qu’elle fixerait des critères de qualité. Je pense à un fonctionnement proche de celui du Filmfonds, qui dispose d’un système à points. Et on pourrait s’imaginer la même chose pour le théâtre : selon le nombre de représentations, la collaboration avec l’étranger, la pédagogie théâtrale, l’inclusion de gens socialement défavorisés, etc. Ce sont tous des critères qui ne disent rien sur la qualité d’une production, ce qui serait tout de même un critère très subjectif. Ainsi, tout le monde saurait à quoi s’en tenir dans la planification de ses productions. Et puis, on pourrait aller plus loin et fonder un « Theaterfonds », qui distribuerait les subventions un peu à la façon d’un concours. Il ne faut pas oublier que les producteurs de cinéma ne sont pas conventionnés non plus, mais qu’ils vivent toujours entre deux projets. Certes, ce serait difficile à accepter pour les institutions les plus importants – celles qui disposent d’un lieu. Mais ce n’est pas un problème insolvable. Il suffirait d’une vision dans la politique culturelle et d’une nouvelle transparence dans le principe de l’arrosoir.


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